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vorable de la part des catholiques étrangers à l’Italie, qui d’ordinaire ne sont pas les moins ardens à réclamer la liberté de l’église. Avant de la repousser comme on l’a fait avec une violence passionnée, on aurait dû au moins s’informer de ce qu’en pensaient en Italie des catholiques qui ne sont ni moins pieux ni moins instruits en droit canonique qu’on ne peut l’être en France. La liberté avec laquelle le pouvoir temporel est traité par les théologiens les plus éminens de l’Italie ne devrait être ni ignorée ni méprisée par les catholiques français. Même à Rome, dans les rangs les plus élevés des ordres religieux, on est loin d’attacher tant d’importance au maintien du pouvoir temporel. Nous trouvons dans le dernier numéro de l’Edinburgh Review une note écrite par un moine du Mont-Cassin, qui est un curieux renseignement touchant les dispositions réelles de la partie la plus intelligente et la plus respectable du clergé italien. On sait que les bénédictins sont demeurés en Italie les représentans de la plus haute culture intellectuelle de l’église, que le monastère du Mont-Cassin est le foyer des lumières de l’ordre, que plusieurs de ses membres les plus distingués avaient même mérité par le libéralisme élevé de leurs idées les disgrâces et les persécutions de l’ancien roi de Naples, Ferdinand II. Le bénédictin que l’auteur de l’article de l’Edinburgh Review paraît avoir consulté sur la question du pouvoir temporel répond avec un mélange de rigueur logique et de déférence pour l’autorité spirituelle du saint-siége qui met hors de doute la réalité et la sincérité de son orthodoxie. Sur le fond des choses, il est catégorique : « Le catholique, dit-il, est libre dans l’examen des raisons qui peuvent lui faire juger de l’opportunité d’une forme qui n’est point immortelle et qui n’est pas inhérente au dogme de l’autorité pontificale. Il pourra dire : Il me semble que ce pouvoir temporel des papes, qui n’est pas dogmatique parce qu’il n’a pas été accordé par le Christ, peut tomber sous l’influence des rapports historiques des peuples, de même qu’il a été fondé par une influence de même nature ; il me semble que la raison des temps, que l’âge auquel les peuples sont parvenus tendent à cette chute ; il me semble que ce pouvoir n’étant plus utile à la paix et à la liberté de l’église doit tomber par l’explicite volonté du Christ. » Le docte et orthodoxe bénédictin établit ainsi sa liberté de jugement, mais il pose de décentes et prudentes réserves sur sa liberté d’action. Ne pouvant croire, dit-il, à l’infaillibilité de son propre jugement, il ne peut pas travailler lui-même à la dépossession temporelle du pontife. Tout en affirmant que le domaine politique n’est pas nécessaire à l’église, tout en ayant le droit de conjecturer la forme et la date de la déchéance de cette souveraineté, il ne se croit pas autorisé à devancer dans l’action le jugement que pourra porter sur ces ques-