Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/783

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
781
LA QUESTION ROMAINE.

tienne. Il se fit un mouvement de centralisation où l’initiative du pontificat romain dut gagner tout ce que perdait l’initiative locale et populaire. Au système des premiers temps de l’église, système que dans le langage politique de nos jours on appellerait libéral, puisqu’il entretenait la spontanéité et la vie universelle dans la chrétienté, puisqu’il était le catholicisme dans le vrai sens du mot, se substitua peu à peu au profit de Rome un système de centralisation. Ce mouvement fut secondé par la diffusion des ordres religieux démocratiques, indépendans de l’épiscopat. À mesure qu’il se développa, on vit s’altérer dans l’église le principe électif, on vit l’élection des évêques passer successivement des peuples aux clergés, puis aux chapitres, enfin aux rois et aux papes. L’église devint elle-même une monarchie, et la papauté finit par être une sorte de royauté absolue. Le romanisme, ou ce que l’on appelle chez nous l’ultramontanisme, prit la place du catholicisme primitif. Nous ne voulons pas traiter ici une question d’histoire ecclésiastique : nous n’essaierons donc pas d’indiquer par quelle succession de faits, par quelle dégradation de nuances s’opéra cette grande et lente altération du gouvernement de l’église, qui d’ailleurs concordait avec les changemens analogues qui s’accomplirent dans la société civile et politique européenne. Nous nous contentons de signaler cette révolution, œuvre du temps. On n’en peut nier le caractère et le résultat général. Pour en démontrer la réalité, il n’est point nécessaire de faire appel aux lumières des écoles historiques et critiques de ce siècle : il suffirait de confronter avec ce qui existe ce qui est rapporté sur les commencemens de l’église par l’Histoire ecclésiastique de Fleury.

III.

La révolution que nous venons de signaler et qui s’est accomplie à travers le cours des siècles au sein du gouvernement de l’église et dans la papauté est assurément d’une grande conséquence. Elle prend un aspect plus grave encore si on la rapproche d’une autre altération qui s’opéra simultanément, sinon dans le principe, du moins dans le caractère et dans l’action de la papauté.

Nous venons de voir le pouvoir se déplacer dans le gouvernement de l’église, et, de l’épiscopat élu uni au pape, élu également, passer au pape seul, l’élément populaire demeurant éliminé de l’élection des évêques et du pape. C’est là sans doute un changement considérable. Si du moins il n’y eût eu que celui-là, le pouvoir ne sortait point des mains ecclésiastiques, et son action ne s’exerçait que pour les intérêts de l’église ; mais, par une révolution qui ne fut pas moins