Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/763

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne cesse pas ainsi d’être utile et de représenter son temps. Le principal périodique publié en ce moment dans le Nord Scandinave a limité ainsi sa tâche; nous voulons parler de la Revue universitaire septentrionale (Nordisk Universitels Tidskrift), qui accomplit déjà sa septième année. La forme extérieure de ce recueil, qui offre des emblèmes et des devises, annonce assez dès le premier coup d’œil quel but il se propose. A la première page, on voit une bannière semblable à celle qui accompagne d’ordinaire les étudians scandinaves dans leurs visites réciproques d’université à université. A la dernière page, on voit le budslikke, c’est-à-dire le javelot ou le bâton rougi au feu qu’on se transmettait de village en village dans l’ancienne Scandinavie pour convoquer une assemblée judiciaire ou bien appeler aux armes, tandis que les feux allumés çà et là sur les montagnes portaient au loin le même avertissement. Sur l’enveloppe qui s’enroule autour du budslikke, on lit ces mots: Bud og Hilsen ou Bud och Helsningmessage et salut!) En effet, chaque livraison, qui est publiée une fois par an dans chacune des quatre universités, Christiania, Upsal, Lund et Copenhague, est pour les trois autres un message et un salut fraternel. A chaque fois d’ailleurs, une devise nouvelle entretient les lecteurs, au nom des poètes contemporains ou plus souvent encore de l’Edda et des anciens scaldes de la Scandinavie, des sentimens de communion patriotique qui les doivent unir aujourd’hui comme ils les ont unis autrefois : « Si tu as un ami auquel tu te confies, mêle ton âme à la sienne. — Tissée de plus de fils d’une force égale entre eux, la corde est plus forte. — As-tu un ami, va souvent le visiter, car de ronces et de broussailles s’embarrasse le chemin que nul ne foule, — Le pèlerin qui se sépare de ses compagnons court grand risque de tomber entre les mains des voleurs. — Nous parlons une seule langue, et Frigga est notre mère commune. Norvégiens, Suédois et Danois, soyons frères! — La grammaire latine nous enseignait jadis quatre conjugaisons régulières : la première amare, la seconde docere, la troisième legere, la quatrième audire. Nous aimer les uns les autres, nous éclairer les uns les autres, nous lire les uns les autres, nous écouter les uns les autres,... ce ne serait peut-être pas, aujourd’hui encore, un si mauvais mode de conjugaison (Thomander).» — Nous ne nous faisons pas garant auprès des lecteurs français du goût parfait de cette dernière citation; l’éloquence du célèbre prédicateur suédois contemporain à qui on l’a empruntée est souvent de la sorte mêlée de saillies et quelquefois même d’excentricités; mais elle n’en est que plus populaire, et cette popularité est toute libérale.

Emblèmes et devises, tout cela est un vêtement extérieur; les articles publiés par le recueil suédois y répondent-ils parfaitement? — On ne saurait le dire à notre gré. D’abord ce recueil n’a encore donné aucune étude de politique actuelle et contemporaine, soit qu’il entretînt ses lecteurs étrangers des rapports si délicats et trop souvent hostiles entre l’Allemagne et la Scandinavie, soit qu’il éclairât à nos yeux les questions intérieures dans lesquelles est intéressé le développement social des pays du Nord. Si l’on ne veut pas traiter expressément de la politique contemporaine, pourquoi ne pas élucider dans des études historiques impartiales et élevées les points de discussion qui divisent aujourd’hui encore le monde scandinave