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qu’ils les disent contraires à la justice promise, ces plaintes ne font que constater la prépondérance obtenue par la société musulmane et par l’autorité turque. Raconter comment l’Europe, avec toute sorte de moyens de prépotence, a été impuissante, et comment la Turquie, avec toute sorte de causes de faiblesse, est restée victorieuse et toute-puissante, il n’y a rien là qui puisse déplaire au nouveau sultan.

Je veux aussi, sans me soucier d’une part des petits tracas que j’éprouve, sans chercher d’autre part à troubler les espérances du nouveau règne, je veux continuer paisiblement l’enquête que je fais sur l’Orient à l’aide des documens anglais, et examiner, selon le plan que je me suis fait, ce qui dans ces documens a rapport en premier lieu aux délibérations de la commission internationale de Syrie, — en second au régime nouveau du Liban.

On sait qu’outre l’expédition française l’Europe envoya en Syrie une commission internationale, « chargée[1] de rechercher les circonstances qui ont amené les derniers conflits, de déterminer la part de responsabilité des chefs de l’insurrection et des agens de l’administration locale, ainsi que les réparations dues aux victimes, et enfin d’étudier, pour les soumettre à l’approbation des gouvernemens et de la Porte, les dispositions qui pourraient être adoptées pour conjurer de nouveaux malheurs. »

Cette commission internationale, qui accompagnait l’expédition française, était une intervention diplomatique de l’Europe à côté de l’intervention militaire, et elle ne plaisait pas plus que celle-ci au gouvernement du sultan. Aussi la Turquie a-t-elle eu l’habileté d’éluder les effets de l’une et de l’autre. Elle a eu, pour éluder les effets de l’intervention militaire, l’aide de l’Angleterre; mais elle a éludé toute seule l’intervention diplomatique, et cela fait honneur à son adresse. Je reconnais que les rivalités des puissances européennes ont aussi aidé à l’habileté de la Porte-Ottomane, et que l’impuissance de l’Occident, quand il veut exercer une action collective sur l’Orient, a éclaté à Beyrouth comme partout ailleurs; mais sans vouloir rechercher ici toutes les causes, il faut avouer que l’intervention diplomatique de la commission internationale n’a pas produit pour l’avenir de la Syrie plus d’effets que l’intervention militaire.

La commission de Syrie avait deux missions différentes, une mission de répression et une mission de réparation ; elle devait coopérer par ses recherches à la punition des auteurs des massacres et aux dédommagemens dus aux victimes. Voyons d’abord ses délibérations touchant les justices à faire.

  1. Dépêche de M. Thouvenel à M. de Persigny, documens anglais, p. 45, n° 66.