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chesse. « La généralité de Châlons, dit Necker, fait partie des grandes gabelles ; on y est de plus assujetti à toutes les impositions établies dans le royaume, et les travaux des chemins se font par corvées. Le peuple y est généralement pauvre, et l’étendue des impôts y contribue essentiellement. » Aujourd’hui tout a bien changé ; les départemens champenois ont passé des derniers rangs dans les moyens, laissant derrière eux la plupart de ceux qui les dépassaient en 1789.

Ce n’est pas sans doute l’assemblée provinciale qui a beaucoup contribué à cette transformation ; elle n’en a pas eu le temps, mais elle l’a commencée. La Champagne avait tout perdu en perdant ses anciens états. Les états de Champagne, réunis à Vertus en 1358, pendant la captivité du roi Jean, avaient donné le premier signal du soulèvement contre les Anglais. Deux siècles après, malgré ce grand service, ils n’étaient plus qu’un souvenir, car, dans les cahiers dressés en 1560 pour les états-généraux d’Orléans, la noblesse de Champagne se plaignait qu’on les laissât tomber en désuétude. L’institution des élections et des généralités remonte en effet à cette époque, ainsi que le constate Bodin dans sa République. La Champagne avait sous ses comtes beaucoup plus d’étendue que la généralité de Châlons ; elle comprenait la Brie et arrivait jusqu’aux portes de Paris, les villes de Sens et de Provins lui appartenaient. Or, d’après tous les documens locaux, ces différentes villes avaient eu autrefois beaucoup plus d’habitans qu’à la fin du dernier siècle ; les foires de Champagne étaient, au moyen âge, célèbres dans toute l’Europe.

L’assemblée qui allait rendre à cette province ses anciennes franchises se composait de 48 membres ; elle se réunit à Châlons, chef-lieu de la généralité. La Champagne l’accueillit avec joie, sans discuter sur des questions surannées de forme et d’origine. Dès 1779, l’académie de Châlons, entrant dans les vues de Necker, avait proposé un prix dont les fonds étaient faits par le baron de Choiseul, ambassadeur à Turin, pour le meilleur mémoire sur les assemblées provinciales.

Le président nommé par le roi, M. de Talleyrand-Périgord, archevêque-duc de Reims, premier pair de France et légat-né du saint-siège, appartenait par sa naissance à une ancienne maison souveraine. Le siège de Reims donnait 60, 000 livres de rentes, et M. de Talleyrand-Périgord y joignait les titres d’abbé de Saint-Quentin et de Cercamps, qui portaient ses revenus à plus de 100,000 livres. Comme l’archevêque de Bourges, il s’occupait activement des intérêts matériels de son diocèse ; l’agriculture et l’industrie lui devaient de nombreux encouragemens. Il est mort en 1821 archevêque de Paris et cardinal. Auprès de lui siégeaient deux autres prélats, M. de Barral,