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de ce nerf se borne à exalter les phénomènes chimiques de la respiration musculaire, et que c’est entre ce phénomène et l’effort mécanique développé que doit exister la relation voulue par la théorie mécanique de la chaleur. L’excitation électrique d’un nerf est donc quelque chose d’analogue à une étincelle électrique ou à une particule incandescente qui met le feu à une grande masse de poudre ; elle agit comme le ferait un petit effort musculaire pour déterminer la chute d’un poids d’une grande hauteur. Cette conclusion est confirmée par le fait que nous avons rappelé de l’augmentation qu’éprouve la respiration musculaire pendant la contraction.

Nous venons de rappeler tout ce que les sciences physiologiques doivent à l’expérimentation. Il y aurait une curieuse étude à faire, qui montrerait combien elles ont été égarées par les raisonnemens a priori, et quelle triste habitude de vagues explications elles en ont gardée. S’il est vrai qu’en général on doive tirer du passé l’enseignement de l’avenir, le choix n’est pas douteux : il faut abandonner la méthode stérile et persévérer avec un redoublement d’ardeur dans la voie féconde. À la vérité, les expériences sont plus difficiles, et leur résultat est moins constant quand elles sont exécutées sur des êtres vivans, parce que la plus simple des fonctions est un ensemble complexe d’effets produits par la température, les affinités, les états électriques et la constitution des organes, laquelle varie suivant l’âge, la vigueur et l’état de nutrition ; mais cette difficulté ne doit pas nous désespérer. Au commencement de ce siècle, la chimie, qui pourtant sortait des mains de Lavoisier, n’avait que timidement abordé les corps organiques. La physique ne connaissait ni la pile de Volta, ni les merveilleuses théories d’Ampère, ni les lois de la polarisation, ni la machine à vapeur, ni le télégraphe électrique. Soixante années d’études ont suffi pour nous donner toutes ces conquêtes. Nous sommes aujourd’hui peut-être à la veille d’accomplir une pareille révolution dans l’étude des êtres vivans ; persévérons. Que la Providence veuille nous donner des hommes tels que Hales, Rumford, Galvani, Spallanzani, Bonnet, dans le siècle passé, tels que Charles Bell, Magendie, Dutrochet, Müller, parmi les contemporains dont nous déplorons la perte récente. Que la physique et la chimie réalisent encore une fois des progrès semblables à ceux qu’elles ont faits entre les mains de Fresnel, d’Ampère, de Dumas et de Liebig, et nous arriverons lentement, mais sûrement, à dissiper l’obscurité qui couvre la science de l’organisme vivant, sur laquelle les prétendues théories des vitalistes n’ont jamais jeté que de fausses lumières.


Ch. Matteuci.