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plupart des villes avaient alors au moins autant d’habitans qu’aujourd’hui. Pour que Montauban ait pu résister à l’armée de Louis XIII, il fallait que cette ville fût très peuplée. Les campagnes offrant peu de sécurité, la population devait s’accumuler dans les bourgs fortifiés pour s’y mettre à l’abri. On peut voir un indice de ces agglomérations dans les pestes nombreuses qui dévastèrent la plupart de ces villes, et qui amenèrent, suivant les historiens, des mortalités hors de proportion avec le nombre actuel de leurs habitans. Dans le cours du XVIIe siècle, cette population diminua. La ville de Millau, qui, d’après Monteil, avait eu jusqu’à 15,000 habitans, n’est portée dans le Dictionnaire d’Expilly que pour 3,000 en 1726. D’après les dénombremens des intendans, la généralité de Montauban comptait 788,000 habitans en 1700, mais elle avait alors deux fois plus d’étendue qu’en 1789 ; en retranchant les cinq élections détachées en 1715 pour former la généralité d’Auch, on trouve pour le Rouergue et le Quercy environ 400,000 âmes. La révocation de l’édit de Nantes avait été pour beaucoup dans cette diminution.

Un autre signe de l’antique prospérité de ces deux provinces se retrouve dans les nombreux édifices qui datent du moyen-âge. On est frappé, en entrant dans les moindres cités, du grand nombre de vieilles maisons qu’on rencontre et de l’élégance de la construction. En Rouergue le clocher de Rodez et le château de Bournazel, en Quercy les châteaux de Montai, d’Assier, de Brétenoux, portent le magnifique témoignage de ce qu’a été dans cette région l’architecture de la renaissance. Rien de pareil ne reste des siècles suivans. La poésie suit les mêmes vicissitudes ; Clément Marot, le charmant poète du règne de François Ier, était un enfant du Quercy, et un autre poète de cette province, Maynard, venu au moment de la décadence, a finement exprimé les griefs de son pays et les siens dans ces vers adressés à Richelieu :

Par votre humeur le monde est gouverné ;
Vos volontés font le calme et l’orage,
Et vous riez de me voir confiné,
Loin de la cour, dans mon petit village !
J’y suis heureux de vieillir sans emploi,
De me cacher, de vivre tout à moi,
D’avoir dompté la crainte et l’espérance.
Et si le ciel, qui me traita si bien,
Avait pitié de vous et de la France,
Votre bonheur serait égal au mien.

Après Maynard, tout se tait, et rien ne trouble plus le silence qui se fait en Quercy comme partout.

L’arrêt du conseil du 11 juillet 1779, qui instituait l’assemblée provinciale