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GORSKI.

N’est-ce pas ? Nous allons écrire tous nos noms sur des morceaux de papier, et celui que le sort désignera le premier nous dira quelque conte invraisemblable et fantastique qu’il tirera de sa propre vie, de celle des autres, de ce qu’il voudra enfin… Liberté entière, comme dit Anna Vassilevna.

MOUKHINE.

Mais encore quelle sorte de conte ?

GORSKI.

Tout ce qu’il vous plaira… Cela vous convient-il, Vera Nicolaevna ?

VERA.

Pourquoi pas ? (Tout le monde s’assied. Gorski écrit les noms sur de petits morceaux de papier qu’il plie.)

MOUKHINE, à Vera.

Vous êtes pensive aujourd’hui, Vera Nicolaevna.

VERA.

Comment savez-vous que je ne suis pas toujours ainsi ? Vous me voyez pour la première fois.

MOUKHINE, souriant.

Oh ! non ; comment serait-il possible que vous fussiez toujours ainsi ?

VERA, avec un léger dépit.

Vraiment ? (A Stanitzine.) Vos bonbons sont excellens, Vladimir.

STANITZINE.

Je suis bien heureux !… Je me mets à vos ordres.

GORSKI, remuant les billets.

C’est prêt. Maintenant qui tirera… Mademoiselle Bienaimé, voulez-vous ?

MADEMOISELLE BIENAIMÉ.

Mais très volontiers. (Elle prend un billet avec affectation et lit.) M. Stanitzine.

GORSKI, à Stanitzine.

Eh bien ! racontez-nous quelque chose, Vladimir Petrovitch.

STANITZINE.

Mais que voulez-vous que je vous raconte ?

GORSKI.

Ce qu’il vous plaira. Vous pouvez dire tout ce qui vous viendra en tête.

STANITZINE.

Mais s’il ne me vient rien en tête ?

GORSKI.

Ah ! c’est désagréable, assurément.

VERA.

Je suis de l’avis de Stanitzine… Comment peut-on, là, subitement ?…

MOUKHINE, virement.

Je pense comme vous.

STANITZINE.

Voyons, donnez-nous l’exemple, Eugène Andréitch ; commencez vous-même,