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ESSAIS ET NOTICES


PROGRES DE LA DOMINATION FRANCAISE AU SENEGAL.[1]

Depuis quelques années, la France élargit d’une manière considérable le cercle de son influence et de sa domination sur le Sénégal et dans les contrées voisines de ce beau fleuve. Il n’y a pas encore dix ans, notre colonie était resserrée à l’embouchure du fleuve entre les populations dites maures (Arabes et Berbers), habitantes de la rive droite, et les royaumes peuls et noirs, qui s’étendent le long de la rive gauche ; elle achetait de ces voisins farouches le droit de faire un peu de commerce, en leur payant une sorte d’impôt déguisé sous le nom de coutume, et il n’y avait guère de sécurité pour les caravanes qui, de Saint-Louis, s’aventuraient dans les directions du nord et du sud et même sur la longue ligne du fleuve. Cet ancien état de choses est aujourd’hui bien changé : les coutumes ont été partout abolies ; le cours entier du fleuve et de son affluent la Falémé est dominé par une série d’établissemens militaires ; un chef peul, conquérant d’une partie des états de la rive gauche, qui remuait, au nom de l’islamisme, des populations nouvellement converties, et qui les excitait contre nous, Al-Hadji-Oumar, a vu son influence et sa puissance presque entièrement détruites[2] ; la région s’est ouverte dans un vaste rayon aux excursions scientifiques de nos officiers, en même temps qu’à notre politique et à notre commerce. Enfin le gouverneur, M. Faidherbe, à la forte administration duquel la colonie est surtout redevable de ces améliorations, nous présente aujourd’hui, assisté d’un de ses officiers, la topographie exacte et complète de ce pays dompté, et nous permet de mesurer sur une carte à grande échelle les avantages prochains que son heureuse configuration et ses richesses naturelles promettent à la France.

La position des sources du Sénégal vient d’être déterminée d’une façon tout à fait précise par un officier de l’Infanterie de marine, M. Lambert. Le fleuve sort de la région appelée Fouta-Dialon, par le 10e degré 50 minutes de latitude nord et le 13e degré 50 minutes de longitude ouest du méridien de Paris, il est formé à sa naissance par deux bras qui s’appellent, celui de droite Bakhoy, celui de gauche Bafing, ce qui paraît signifier rivière blanche et rivière noire. Les deux bras, par leur réunion, qui a lieu en un point appelé Bafoulabé, un peu au-dessous du 14e degré de latitude nord, forment le Sénégal. À un degré plus haut, le fleuve reçoit sur sa gauche le puissant affluent la Falémé, puis, décrivant un vaste arc de cercle, il va se

  1. Notice sur la colonie du Sénégal et sur les pays qui sont en relation avec elle, par M. L. Faidherbe, colonel du génie. — Carte du Sénégal, de la Falémé et de la Gambie dressée, sous la direction de M. Faidherbe, par le baron Brossard de Corbigny, 1861.
  2. M. Jules Duval a raconté cette lutte dans ses remarquables études sur le Sénégal, Revue des Deux Mondes du 1er et du 15 octobre 1858.