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seule signature, et pour une durée de trois ans, se faire ouvrir un crédit.

La société du Crédit agricole devient, on le voit, une véritable et grande banque de dépôt, d’escompte et d’émission. Ses opérations peuvent se faire sur la plus large échelle, ses bénéfices n’ont d’autre limite que ses risques mêmes. S’il était permis de prévoir quelle sera la nature particulière des entreprises secourues par le Crédit agricole, on pourrait dire qu’en concourant à cette fondation, le Crédit foncier a voulu faire pour les travaux ruraux ce qu’il a fait pour les travaux urbains. L’analogie frappera surtout si l’on vient à fonder, comme le bruit en a couru, des sociétés de grandes entreprises dans les campagnes pour irrigation, desséchemens, reboisemens, défrichemens, etc. ; ces sociétés anonymes formeraient le pendant des sociétés immobilières. À côté de ces sociétés de grands travaux publics se trouverait le sous-comptoir de l’agriculture, comme à côté des sociétés immobilières se place le sous-comptoir des entrepreneurs. Enfin, au-dessus des institutions rurales pour ainsi dire, on rencontrerait la société du Crédit agricole, de même qu’au-dessus des institutions urbaines existe le Crédit foncier. Toutefois cette division en deux branches de services ne serait pas complètement exacte, puisque le Crédit foncier prête à la propriété rurale aussi bien qu’à la propriété urbaine, et il est même permis de supposer que cet ensemble d’institutions agricoles amènera le Crédit foncier à fournir à la propriété rurale de plus amples ressources que par le passé.

En même temps que les directeurs du Crédit foncier de France se préoccupent à juste titre de grandes combinaisons propres à pousser plus loin son heureuse fortune, le soin des améliorations de détail ne saurait leur échapper. Tout emprunteur à long terme peut craindre de laisser ses héritiers sous le poids d’une longue suite d’annuités. Pour obvier à cette appréhension, un syndicat vient de se forcer entre toutes les compagnies d’assurances dont le siège est à Paris, afin de garantir, aux conditions d’abonnement viager les plus douces, la libération, après le décès de l’assuré, des annuités foncières restant à solder ; les compagnies en demeureront seules chargées. Dans cet ordre d’idées secondaires, nous voudrions appeler l’attention des administrateurs du Crédit foncier sur une difficulté révélée par la pratique, et qui peut nuire au développement des opérations de la société. Les emprunts opérés par le Crédit foncier doivent rendre les mutations de propriété plus fréquentes ; ils diminuent d’autant l’importance du capital à débourser. On sera d’autant plus disposé à acquérir un immeuble qu’en se chargeant des emprunts contractés par le propriétaire vendeur, on aura en réalité à