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VELASQUEZ
AU MUSEE DE MADRID

Si vous allez en Espagne pour étudier les écoles de peinture, attendez-vous à de singulières déceptions, car vous n’aurez pas manqué de lire attentivement les écrits de Palomino de Velasco, les biographies de Cean Bermudez et d’autres traités sur l’art espagnol. Vous aurez remarqué que le nombre des artistes est considérable, que leurs tableaux sont décrits avec des éloges qui ne tarissent point, que les mots de talent et de génie sont prodigués volontiers, que les comparaisons avec Raphaël, Michel-Ange et le Corrège sont hardiment soutenues. Vous aurez été frappé de la puissance que l’on prête à certaines écoles, de leur enchaînement méthodique, de leurs subdivisions, qui attestent l’excès de fécondité, en Andalousie, par exemple, où l’on vous montre les écoles de Grenade, de Murcie, de Cordoue, se rattachant à l’école de Séville comme les jets vigoureux d’une même souche, de sorte que les semaines et les mois semblent ne point devoir vous suffire pour savourer avec ordre tant de merveilles.

J’avoue humblement que j’étais du nombre de ces voyageurs naïfs, et que j’ai été dupe. Certes l’orgueil national est respectable, mais il a ses limites. Nous accordons de grandes licences aux peuples situés au-delà de la Garonne ; par conséquent plus les races de cette partie de l’Europe descendent vers le sud, plus il est logique qu’elles abusent de l’hyperbole. Cependant l’hyperbole mérite un autre nom, lorsqu’elle s’applique à l’histoire. C’est même compromettre les titres de gloire d’une nation que de les enfler outre mesure, car si ses historiens prétendent pour elle plus qu’il n’est vrai, les nations voisines lui ôteront peut-être plus qu’il n’est juste. Jusqu’ici