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brutes mises en œuvre dans les manufactures, droits très modérés sur les objets à demi travaillés, et, à l’égard des articles achevés, pondération combinée de manière à ce que la concurrence étrangère devienne sérieusement profitable aux consommateurs ; enfin suppression des entraves fiscales ou réglementaires nuisibles au travail intérieur ou à l’exportation des produits nationaux. Ces principes, introduits dans cinq budgets consécutifs (1842-46), occasionnèrent de nouveaux dégrèvemens, montant à 191 millions de francs. Les impôts sur les bois, les huiles, le bétail, les sucres, le café, le coton, la soie, la laine brute, se trouvèrent de plus en plus allégés ; on effaça du tarif un nombre très considérable d’articles donnant moins de 250,000 francs chacun : le droit d’excisé sur les verreries, qui rapportait encore plus de 20 millions, la taxe sur les ventes aux enchères, dont on tirait près de 8 millions, furent définitivement abandonnés.

Une date particulièrement remarquable dans cette œuvre de salut, commencée déjà depuis un quart de siècle, est l’année 1846. Grâce à l’ardent et ingénieux prosélytisme de M. Cobden et de ses amis, l’agitation avait pris une ampleur formidable. Robert Peel lui-même, en dépit de ses engagemens et de ses sympathies, était converti au libre échange au point d’en accepter toutes les conséquences. Sa tactique pour prolonger le monopole, devenu odieux au pays, avait d’ailleurs échoué : il ne lui restait plus qu’à sauver par une honorable retraite les aveugles de son parti qui auraient voulu résister encore, au risque de se perdre. Robert Peel eut donc à lutter contre les plus opiniâtres de ses amis pour faire adopter une loi qui maintenait pendant trois années encore l’échelle mobile, mais avec des tarifs affaiblis, et qui, à partir du 1er février 1849, autorisait la libre importation des céréales avec un simple droit de balance équivalant à 42 centimes par hectolitre. Ce vote a été le fait culminant, la victoire décisive entre tous les combats livrés jusqu’à ce jour pour la transformation économique de la société anglaise : il a consacré un nouvel ordre de choses en sacrifiant un monopole qui était une des bases de l’ancienne constitution politique.

Depuis plusieurs années déjà, on avait touché le point où il n’était plus possible de racheter, par le développement de la consommation, les pertes occasionnées par la réduction des tarifs. On ne pouvait constituer le trésor en état de déficit permanent ; il n’y avait plus qu’à choisir entre deux, partis extrêmes : suspendre le traitement commencé, et dont on ressentait déjà les bons effets, au risque de retomber dans les convulsions, ou bien faire entrer dans le système fiscal une combinaison déjà expérimentée à titre de sacrifice temporaire, l’income-tax. Entre ces deux extrémités, le bon sens