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des entrepôts de Liverpool et des champs à esclaves des états du sud. Tout cela, selon eux, ne devait jamais manquer de fournir an endless supply of cotton. Tout le reste n’était que bosch[1], non-senses, de faiseurs de projets où de pessimistes ! Les idées du fonctionnaire du Scind ne purent ainsi se réaliser, et la force d’inertie opposée à l’activité de M. Frère lui conseilla sans doute d’abandonner un plan que l’Angleterre ne peut plus dédaigner, aujourd’hui que la onzième heure a sonné.

De grands débats se sont élevés à plusieurs reprises au sujet des obstacles que présente l’exploitation des terres dans l’Inde anglaise. Ces questions ont été la pierre d’achoppement des projets les mieux mûris. Les différentes nationalités provenant d’annexions successives et arbitraires, les conflits qui en résultent dans une agglomération d’intérêts et d’individus qui se croient toujours investis de certains droits territoriaux, provoquent naturellement des difficultés dont la solution n’est pas facile. Lorsque les mamelouks se partagèrent l’administration de l’Égypte, ils trouvèrent, sur une très petite échelle, un état de choses à peu près semblable, aux différences de nationalités près. Cette soldatesque indisciplinée ne fut pas longtemps à découvrir le meilleur mode d’exploiter les aptitudes des habitans et la fertilité du sol. Chaque village devint, pour la forme, la propriété du sultan ; chaque province, composée de plusieurs villages, fut placée sous le gouvernement d’un bey, qui distribuait ceux-ci à des chefs turcs ou ogdas. La culture fut soumise à d’invariables règles : les bestiaux et les semences étaient avancés, ainsi que les fonds pour les impôts, aux cheiks des villages, dont les habitans cultivaient les terres ; on vendait les produits, et à la fin de chaque année l’ogda recevait la moitié brute du rendement général. Les fellahs ne pouvaient quitter le village où ils étaient nés ; libres à tout autre égard, ils formaient constamment un noyau de bras qui ne faisait pas défaut. Jamais l’Égypte ne fut plus florissante, proportion gardée des dépenses que les gouvernemens qui s’y sont succédé ont affectées à des améliorations mal entendues, et qui n’ont porté de fruits bien visibles jusqu’à ce jour que dans la poche de quelques négocians étrangers peu scrupuleux. Il y aurait peut-être moyen d’appliquer partiellement aux Indes le système égyptien, et nous croyons que partout où le gouvernement peut disposer de terres déjà en culture, ou exercer son influence dans ce sens, si elles appartiennent à des chefs du pays, l’adoption de ce système simplifiera les rouages de l’administration actuelle.

Voici maintenant le cadre d’une méthode qui pourvoirait, nous

  1. Mot arabe, usité dans l’Inde, qui signifie niaiserie, sottise.