Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

scrupuleusement jusque-là respecté le secret. « Ces dernières volontés, je copie la lettre, de mon digne correspondant, contiennent des révélations qui peuvent raviver si cruellement les blessures à peine cicatrisées d’une honorable famille, qu’avant de prendre un parti je n’ai pas hésité à tout révéler au compatriote de mon malheureux client, au seul homme qui lui ait, à ma connaissance, porté quelque intérêt. En cet état de choses, pour que vous puissiez, m’envoyer des instructions plus complètes, j’ai pris la liberté de vous adresser un fac-similé, tracé de ma main, des divers papiers qui composent le testament de Vinet. Le trouble évident avec lequel ces papiers ont été rédigés, l’insuffisance des suscriptions dont ils sont revêtus, ne laissent pas que d’ajouter grandement à mon embarras, et sont un motif de plus pour m’engager à recourir à votre intervention. » Le docteur James, terminait en m’annonçant qu’un officier de la station, revenu ces derniers temps d’un voyage en Chine, avait reconnu à Singapour le prestidigitateur italien dont les soins avaient fait défaut à l’agonie du pauvre Vinet. Dans ses nouvelles pérégrinations, il signor Carabosso, ce qui m’expliqua l’inutilité des recherches faites par moi, à Penang et à Singapour, il signor Carabosso, dis-je, avait pris, avec un nom d’emprunt, les plus grands airs et se faisait passer pour un général au service d’un des rajahs de l’Inde.

Mystérieuse comme l’était cette introduction, elle ne me préparait point cependant à la stupéfaction dont je fus saisi en parcourant les divers papiers qui composaient la communication du docteur James : deux lettres portant pour seule et unique suscription, l’une « Monsieur Hémond, » l’autre « Madame Madeleine Demèze… » Madeleine Demèze ! .. À ces deux lettres se trouvait jointe une troisième pièce que j’eus besoin de lire à vingt reprises, si profonde fut l’émotion qui faisait battre mon cœur en cet instant : c’était la copie légalisée d’un arrêt de la cour d’assises de la Gironde du 21 octobre 1850 qui frappait d’une peine infamante Emile-Fortuné de Lanosse, convaincu de faux en écritures privées. Au bas de ce document, on lisait en manière de note explicative, la phrase suivante : « Mort à Fyzabad, (Indes anglaises’) le dix-huit mal mil huit cent cinquante-quatre. Lanosse. » Mystérieuse volonté de la Providence qui, au bout du monde, a remis, entre mes mains le dénoûment de ce funeste drame ! Dans sa lettre à M. Hémond, l’infortuné Lanosse accuse réception de la somme de 50 livres sterling, que Mme Madeleine Demèze lui a fait passer par son entremise, et le prie de remettre en mains propres, une lettre à cette dame, dont il ignore l’adresse. La lettre destinée à Madeleine ne se compose que de quelques lignes où éclate un mortel repentir. Après l’avoir