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donc l’ensemble des individus semblables appartenant à une même espèce, ayant reçu, et transmettant par voie de génération les caractères d’une variété primitive. — Au fond, cette définition, tout en précisant davantage l’idée d’origine, revient à celle de Buffon, qui disait : « La race est une variété constante et qui se conserve par génération, » ou à celle du botaniste Richard, qui s’exprime ainsi : « Il y a certaines variétés constantes et qui se reproduisent toujours avec les mêmes caractères par le moyen de la génération ; c’est à ces variétés constantes qu’on a donné le nom de races. » Si je multipliais ces citations, on verrait que sur ce point de la science il existe entre les naturalistes de toutes les écoles un accord vraiment remarquable, et que les disciples de Lamarck eux-mêmes se rencontrent, ici avec ceux de Cuvier[1].

Le nombre des races pouvant provenir d’une même espèce est tout aussi indéfini, il peut être tout aussi considérable que celui des variétés elles-mêmes, car il n’est aucune de celles-ci dont les caractères ne puissent devenir héréditaires dans des conditions données. En outre, ces races primaires, sorties immédiatement de l’espèce commune, sont à leur tour susceptibles d’éprouver des modifications qui peuvent rester individuelles ou devenir transmissibles par générations. Chacune d’elles donne ainsi naissance à des variétés, à des races secondaires. Le même phénomène peut se répéter indéfiniment. Nos végétaux, nos animaux domestiques fournissent une foule d’exemples de ces faits. On voit combien se trouvent multipliées par là les modifications du type spécifique primitif. Considérée à ce point de vue, chaque espèce nous apparaît comme un arbre dont la tige élevée fournit en tous sens, et à diverses hauteurs des branches maîtresses plus ou moins nombreuses, sous-divisées elles-mêmes en branches secondaires, en rameaux, en ramuscules, tous distincts et cependant tous issus médiatement ou immédiatement du tronc primitif. Pour pousser la comparaison jusqu’au bout, on peut dire que, dans cet arbre hypothétique, les variétés sont représentées par les bourgeons avortés.

Cette image a cela d’utile qu’elle fait sentir plus aisément les relations existantes entre ces trois catégories d’êtres trop souvent confondues dans le langage, — l’espèce, la race, la variété. On voit que toute race, toute variété se rattache à une espèce, comme toute branche, tout bourgeon tient à une tige quelconque ; on voit que chaque espèce comprend, avec les individus qui ont conservé le

  1. Il ne s’agit que des races proprement dites. Quant aux races hybrides, c’est-à-dire aux séries zoologiques ou botaniques résultant du croisement de deux espèces distinctes, nous les examinerons plus tard avec le soin qu’elles méritent, en réduisant à sa juste valeur ce qui a été dit à ce sujet.