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monte-pios, sociétés d’assistance mutuelle formées dans toutes les classes actives de la société, et multipliées à ce point qu’on trouve même un monte-pio destiné à subvenir aux besoins des enfans et des veuves des juges de première instance. Quant à l’instruction publique, dont un programme perfectionné a été mis à exécution en 1857, elle est, pour l’enseignement primaire, gratuite et à la charge des municipalités. Au commencement de 1859, on comptait 15,491 écoles primaires pour les garçons et 6,111 pour les filles; 394 écoles étaient destinées aux adultes, et 192 seulement aux petits enfans. Le nombre des élèves qui fréquentaient ces établissemens s’élevait à 1 million sur 2 millions 1/2 d’enfans âgés de six à treize ans qui auraient pu y être admis. Enfin on remarque que, depuis 1855 jusqu’à 1859, il a été ouvert plus de 3,500 écoles, et que le nombre des élèves s’est accru de 123,000. Ces chiffres démontrent qu’en Espagne le progrès moral a devancé le progrès matériel. Il est nécessaire cependant que celui-ci ne tarde pas à s’accomplir, et nous avons rapproché ce qui concerne l’instruction primaire de nos remarques sur les voies de communication dans la Péninsule, parce que ces deux services font partie du même département, de ce ministère de fomento qui est véritablement le ministère du progrès, et que l’on verra sans doute réaliser toutes les améliorations morales et matérielles réclamées par ce noble pays.

À ce tableau des principales forces productives du territoire espagnol, on nous pardonnera peut-être d’ajouter un souvenir personnel en témoignage de ce qui constitue la première richesse de l’Espagne, c’est-à-dire le bon esprit de ses populations. La fermeté navarraise, l’orgueil castillan, l’industrie catalane, la vivacité andalouse, la bravoure commune à toutes les races qui occupent les provinces de la Péninsule, sont choses notoires et passées à l’état de lieux-communs. C’est une impression reçue dans une des plus petites provinces du nord, dans le Guipuzcoa, que nous voudrions noter ici. Quelques administrateurs français et espagnols du chemin de fer du nord de l’Espagne s’étaient rendus à Tolosa pour inaugurer les travaux de la ligne de fer qui doit unir Madrid à la frontière française. Dans les fêtes qui accompagnèrent cette cérémonie, l’attitude de toutes les classes de la population présentait un spectacle remarquable. Les chefs de la députation provinciale, administrateurs souverains et magistrats élus de cette population, dont les antiques fueros ont été respectés, présidaient à la cérémonie sans autre signe distinctif que la canne officielle, emblème du commandement en Espagne. Nul autre costume ne se faisait distinguer que celui du capitaine-général et du gouverneur civil; nulle autre force militaire ne contenait la foule que les miquelets, corps tout provin-