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jour en été, de quatorze en hiver[1]. Le repos du dimanche ne peut être ravi aux nègres, à moins que les planteurs ne leur donnent 50 cents pour le travail de cette journée. Il va sans dire que les maîtres n’ont à rendre aucun compte des coups de fouet qu’ils distribuent ; cependant un article du code noir de la Caroline du sud renferme la clause suivante : « Toute personne qui, de propos délibéré, coupera la langue à un esclave ou lui arrachera l’œil, le châtrera, l’échaudera cruellement, lui brûlera un membre, le privera de l’usage d’une partie de son corps, ou lui infligera quelque punition féroce autre que la peine du fouet, du nerf de bœuf, du bâton, des fers, de la prison et du cachot, sera passible d’une amende pour chacun de ces délits. » Dans la Caroline du sud, cette amende est fixée à 61 dollars 25 cents[2] ; en Louisiane, elle peut s’élever à 200 et même 500 dollars. Cet article offrirait au moins une garantie à l’esclave, si le blanc pouvait être accusé par ses victimes ; mais les noirs n’existent pas devant la loi, et si, par impossible, un autre propriétaire de nègres accusait le planteur criminel, celui-ci pourrait toujours se disculper en affirmant par serment son innocence ; une prime est ainsi offerte à son parjure. Outre la pinte de sel, le baril de maïs, les vêtements d’hiver et d’été, la somme de 50 cents pour le travail du dimanche, la loi ne garantit rien à la personne de l’esclave. Dans l’esprit des législateurs, ces avantages suffisent pour assurer son bonheur matériel. Quant au reste, intelligence, cœur, volonté, tout appartient au maître : qu’il en fasse ce que bon lui semble, la loi n’admet pas ces choses dans l’Africain.

Si la liberté du nègre asservi est nulle, en revanche, par un monstrueux manque de logique, sa responsabilité est grande ; pour les droits il est une chose, mais pour les devoirs il redevient homme ; il est censé moralement libre lorsque sa liberté peut le faire condamner au fouet ou à la mort. La loi et la volonté du maître lui imposent un grand nombre d’obligations et le punissent sévèrement en cas de désobéissance. Ce qui est un crime chez le blanc l’est également chez le nègre ; celui-ci même peut commettre, d’après la loi, toute une série de crimes et de délits au-dessus desquels le blanc se trouve placé par le privilège de sa couleur ; il s’ensuit que les punitions diffèrent complètement, selon qu’elles s’appliquent à un condamné de l’une ou de l’autre race. Les blancs sont en général punis de l’amende ou de la prison ; les nègres ne sauraient payer l’amende, puisqu’ils ne possèdent rien en propre, et leurs maîtres, dont ils sont la chose, le capital vivant, se refusent à les faire incarcérer, à laisser ainsi dormir leur capital sans en recueillir les intérêts. Il ne

  1. Negro-law of South-Carolina, page 21.
  2. Ibid, page 20.