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mitaient d’avance les opérations d’un corps d’armée engagé en Toscane. Que serait-il arrivé si les impériaux n’avaient pas quitté subitement Ancône et Bologne ? Je ne veux pas dire que la question des États-Romains eût été plus facile à résoudre, elle serait du moins restée intacte, on n’aurait pas vu cette irréparable éclipse de l’autorité pontificale dans le vide laissé par l’armée autrichienne, et il eût été plus aisé à l’Europe d’exercer son intervention pour maintenir un pouvoir existant que pour réduire des populations désespérément hostiles. La vérité est que l’Autriche agissait avec le pape comme elle agissait en ce moment avec le duc de Modène, qui demandait vainement protection au nom de ses traités ; elle se disait que l’essentiel pour elle était de rassembler toutes ses forces sur le Mincio pour frapper un grand coup, que si elle était victorieuse, elle refaisait les affaires des souverainetés liées à sa fortune, et si elle était battue, elle n’était pas tenue de s’inquiéter des autres, fût-ce du saint-père, plus que d’elle-même. C’était Là la vraie raison de sa retraite des Légations, bien plus que la crainte de démonstrations militaires contre lesquelles son corps d’occupation était garanti par la parole de la France. « Nous reconquerrons tout,… tout cela s’arrangera plus tard, » disait M. de Rechberg aux ministres des ducs de Modène et de Parme, qui murmuraient tristement tout bas que « c’était bien la peine de se lier par des traités. » Pour ce qui est des États-Romains, on n’a songé que plus tard à se couvrir de l’interprétation rétrospective d’une phrase d’un rapport militaire. Au fond, le pape n’a pas hésité à reconnaître plusieurs fois ce que le départ des Autrichiens de Bologne avait de peu conforme aux engagemens pris avec lui, et dès le premier moment il en exprimait sa surprise. Ces faits absolvent la France de toute provocation immédiate et laissent apparaître dans ce qu’elle a d’essentiel et de permanent une situation que la guerre n’a point créée, bien qu’elle ait été aggravée par la guerre, qui tient avant tout aux conditions d’un régime intérieur assez compromis pour être à la merci du hasard et des circonstances. Si la condition des États-Romains n’avait point ce caractère de désastreuse insécurité, pourquoi l’avoir tant dit ? pourquoi l’avoir prouvé par tant d’interventions de la force ? Si elle ne reposait réellement que sur l’artifice et sur l’appui étranger, pourquoi s’étonner de ce qui n’est que la plus simple conséquence d’une accumulation d’impossibilités ?

Là est la question : elle est tout entière dans cette fatale alternative où vit depuis longtemps la papauté temporelle, placée entre la nécessité d’une transformation qu’elle redoute et le danger de devenir inévitablement un obstacle, d’engager la plus périlleuse des luttes avec l’esprit de progrès civil et l’esprit de nationalité gran-