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se débat, que jusqu’à ce moment la papauté vivait dans la plénitude et l’intégrité de son indépendance politique ? Il n’en était point ainsi malheureusement. S’il était au contraire un fait accrédité dans l’opinion universelle, devenu presque banal, c’est que le domaine temporel du saint-siège n’avait d’autre garantie que la présence d’une force étrangère, et que si nous quittions Rome, le pape n’avait pas un jour de pouvoir assuré devant lui. La cour romaine en était elle-même pleinement pénétrée. Lorsqu’à la veille de la guerre Pie IX, dans l’espoir touchant et vain de détourner un conflit dont il redoutait les perspectives, demandait à la Fiance et à l’Autriche de retirer leurs soldats et disait avec une sincérité émue : « Je ne puis, moi, le représentant de Dieu sur la terre, l’apôtre de la paix, je ne puis être une cause de désordre. Mieux vaut courir tous les dangers, toutes les incertitudes que d’être un prétexte de désaccord entre les puissances européennes; » lorsque Pie IX parlait ainsi et prenait cette résolution désespérée, il n’ignorait pas que c’était renoncer à toute chance humaine et s’abandonner à la Providence. La sécurité pontificale, c’était la présence des Français à Rome et des Autrichiens à Bologne, et cette double occupation, en même temps qu’elle révélait le désordre invétéré des états de l’église, était aussi l’attestation toujours visible d’une indépendance plus nominale que réelle, subordonnée, fort ménagée par la France à Rome, il est vrai, mais durement effacée par l’Autriche dans les Légations. Quelle était, cette indépendance du saint-siège là où les autorités autrichiennes concentraient en leurs mains tous les pouvoirs civils et militaires, jugeaient, condamnaient, s’attribuaient même le droit le plus inhérent à la souveraineté, le droit de grâce, transporté de Rome au camp de Vérone?

Il y a un autre fait à préciser et à dégager de toute équivoque. Par quelle circonstance immédiate cette situation, difficile sans doute, soutenue à grand’peine, mais enfin matériellement préservée, s’effondrait-elle tout à coup à un moment donné et dégénérait-elle en rupture ouverte entre le saint-siège et les populations? Il n’y a qu’une cause, c’est le départ des Autrichiens de Bologne le 12 juin 1859, entre Magenta et Solferino. Dès le commencement de la guerre, — c’est un point à noter, — la France et l’Autriche s’étaient interdit d’augmenter ou de réduire leurs forces d’occupation, de rallier aux armées actives leurs soldats laissés dans les états pontificaux et de faire de leurs positions le point de départ de toute action offensive, c’est-à-dire que sur ce territoire neutralisé les deux puissances neutralisaient en quelque sorte leurs forces dans l’intérêt supérieur du saint-siège. Des engagemens de cette nature étaient assurément de ceux qui garantissaient les Autrichiens contre toute surprise et li-