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on peut se faire une idée des difficultés qui entourent les investigations de cette nature en essayant de faire dire à un paysan de nos montagnes, à un Basque, à un Bas-Breton, ce qu’il pense des revenans ou du sabbat. J’ai, pour mon compte, bien souvent échoué auprès de gens avec qui je vivais dans les termes de la familiarité la plus grande ; qu’on juge des obstacles que doivent rencontrer le voyageur qui apparaît au milieu de populations barbares comme un être supérieur, souvent comme un ennemi redouté, et le missionnaire dont la bouche ne s’ouvre que pour bafouer ou flétrir ce que son interlocuteur a respecté ou craint depuis l’enfance. Le zèle religieux même qui anime ces derniers informateurs nuit souvent à l’exactitude des renseignemens qu’ils nous transmettent. Ils dédaignent ou méprisent trop les croyances placées en dehors de leur propre foi pour s’en informer sérieusement, et ainsi s’expliquent les contradictions étranges, les affirmations manifestement inexactes, qu’on rencontre trop souvent dans les écrits des plus pieux, des plus dévoués propagateurs des diverses doctrines chrétiennes. Heureusement d’autres savent joindre aux mêmes vertus un désir réel de s’éclairer eux-mêmes et d’éclairer les autres sur l’histoire morale des populations qu’ils s’efforcent de rapprocher de nous, et les résultats de leurs investigations rectifient chaque jour nos idées sur bien des points importans.

Deux races entre toutes ont eu le triste privilège d’être l’objet d’attaques de toute sorte, et l’absence chez elles de toute religiosité est une des plus douces imputations qu’on leur ait adressées. Ce sont les races hottentote et australienne. Je reviendrai plus tard avec détail sur cette dernière. Ici je me bornerai à dire que ces populations prétendues athées ont toutes une mythologie rudimentaire. Quant aux Hottentots et aux Cafres, qu’on leur assimile à cet égard, on a dit, on répète encore aujourd’hui sur tous les tons dans quelques écrits que la notion de Dieu et de la vie future leur manque absolument. On oublie ainsi tous les renseignemens recueillis à diverses époques, et qui prouvent si manifestement le contraire. Pour ne rappeler que les plus récens, on oublie que, dès son premier voyage[1], Campbell avait découvert jusque chez les Boschismen ce qu’il appelle la notion confuse d’un être supérieur, qu’à son second voyage[2] il obtint, non sans peine, de Makoun, chef des Boschismen du Malalarin, des détails précis sur Goha, le dieu mâle placé au-dessus des hommes, sur Ko, le dieu femelle qui est placé au-dessous. Si la réponse du même Makoun, évidemment dictée

  1. 1812.
  2. 1820.