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I. — EMPIRES ET REGNES DE LA NATURE. — REGNE HUMAIN.

Qu’est-ce que l’homme? — Cette question à laquelle il a été répondu si souvent et de tant de manières ne peut être envisagée ici qu’au point de vue de l’histoire naturelle. C’est celle que s’adresse tout naturaliste qui, placé en présence d’un être ou d’un ensemble d’êtres, veut les étudier pour lui-même ou les faire connaître à autrui. En pareil cas, il recherche d’abord à quel groupe de premier ordre appartient l’objet de son examen, et ce n’est qu’après avoir résolu ce premier problème qu’il arrive à des détails plus circonstanciés, et assigne au minéral, à la plante, à l’animal, sa place définitive. Voilà comment la question précédente peut se traduire par cette autre : — quelle est la place qui revient à l’homme dans une classification naturelle des êtres? — Quelque simple qu’elle puisse paraître au premier abord, elle n’en a pas moins divisé des hommes d’un égal mérite. Pour motiver la solution que nous avons cru devoir adopter, il faut rappeler ce que sont tous ces groupes primordiaux qui se partagent la nature entière.

Depuis Aristote jusqu’à nos jours, tous les naturalistes ont reconnu qu’il existe dans la nature deux grandes classes de corps : les uns composés de parties inertes, simplement juxtaposées et sans autres relations entre elles qu’une adhérence mécanique ou des rapports moléculaires; les autres composés de parties actives, concourant chacune par quelque action diverse à l’entretien de l’ensemble, par conséquent plus ou moins solidaires les unes des autres et constituant ce que nous appelons des individus. Par suite, sous une forme ou sous une autre, avec un bonheur plus ou moins grand d’expression, tous les naturalistes ont admis la distinction fondamentale des corps inorganiques et des corps organisés. Il va sans dire que nous suivrons en ceci nos prédécesseurs. De plus, acceptant la dénomination proposée en premier lieu par Pallas, nous désignerons sous le nom d’empire chacune de ces grandes divisions et admettrons en conséquence! l’empire organique et l’empire inorganique[1]. Seulement, dans chacun de ces groupes premiers, nous rencontrons des corps, des êtres se distinguant des autres corps, des autres êtres, par des propriétés générales semblables; nous sommes ainsi conduit à partager les empires en royaumes ou règnes, car il faut conserver à ces divisions le nom consacré par l’autorité de Linné et l’as-

  1. Jusqu’à prissent, j’avais employé les expressions de monde organique et de monde inorganique. Avec la plupart de nos contemporains, j’avais oublié que Pallas avait donné déjà un nom à ces deux grandes divisions de l’univers. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a le premier rappelé ce fait historique dans un ouvrage des plus remarquables qu’il public en ce moment (Histoire naturelle générale des règnes organiques).