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au roi de France, moyennant certains avantages pécuniaires et la promesse d’être mis en possession d’un grand nombre de terres spécifiées au contrat sitôt que le roi aurait réuni le duché au domaine de la couronne[1].

Conclure un pareil acte, c’était déclarer sans détour l’intention de déposséder les deux filles de François II, en admettant même que l’on consentît à laisser mourir ce prince sur le trône. A des intentions notifiées avec autant d’éclat, le duc répondit par un appel à la nation, et en vertu du droit successorial des femmes, constamment reconnu dans la province, les états de Bretagne, dans un généreux délire, acclamèrent comme héritière de Conan et de Noménoé, comme représentant une monarchie antérieure de deux siècles à la monarchie française, une enfant de trois ans dont le berceau devenait le dernier boulevard de l’indépendance nationale. Le ministre de François II n’eut plus dès lors qu’un souci : préparer pour la jeune princesse Anne un mariage qui permît à la Bretagne de faire face à la France dans une guerre inévitable et prochaine, et mettre sa patrie en mesure de suppléer, par l’intervention armée d’une grande puissance, à la trop manifeste inégalité des forces.

Landais n’avait pas obtenu jusqu’alors du concours de l’Angleterre tout ce qu’il en avait espéré : sa négociation suivie avec Edouard IV, et dont Louis XI venait de pénétrer le secret, avait bien, il est vrai, déterminé une invasion en France ; mais cette expédition, commencée avec des forces insuffisantes, était demeurée sans résultat par le manque de parole du connétable de Saint-Pol et par l’hésitation du duc de Bourgogne. Il y avait encore moins d’apparence de succès pour une tentative de cette nature après la mort de Charles le Téméraire ; il ne fallait donc plus demander à Edouard IV d’attaquer la France : le point principal était de le déterminer par un intérêt puissant à couvrir la Bretagne dans la crise suprême que laissait prévoir la santé chancelante de son souverain.

Aussi Landais proposa-t-il sans hésiter le mariage de la princesse Anne avec le prince de Galles, de trois ans plus âgé qu’elle. Cette ouverture fut accueillie à Londres avec empressement, et un engagement formel fut contracté de part et d’autre. C’était sans doute pour la péninsule bretonne une dure extrémité que d’appeler un prince d’Angleterre à régner sur elle, lorsque les souvenirs du XIIe siècle étaient encore vivans dans la mémoire du peuple armoricain; mais, en présence de l’alternative fatale où les événemens l’avaient placée, il fallait opter manifestement entre la conquête et

  1. Voyez l’acte intégral de cession, avec les ratifications royales, Histoire de d’Argentré, p. 698 et suiv.