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vail fut poursuivi par Pierre Landais, de 1460 à 1485, avec la passion persévérante qu’inspirait à ce ministre sa haine contre les grands, et que secondait chez François II une méfiance fort naturelle contre quelques hommes qu’il savait plus dévoués au roi de France qu’à lui-même. Les nombreux traités de commerce signés par ce prince, au milieu des guerres civiles, et étrangères, constatent le soin qu’apportait surtout dans cette partie de sa tâche le grand-trésorier, chargé, comme chef de l’échiquier breton, de toutes les relations diplomatiques. Les historiens, sans en excepter les plus hostiles à Landais, s’accordent pour reconnaître que ce règne de trente ans fut à la fois réparateur et populaire, et qu’en cicatrisant les plaies profondes faites par les luttes intestines du siècle précédent, il développa pour la Bretagne des sources nouvelles de richesses ; mais de tels soins ne pouvaient être que secondaires lorsque l’existence même du duché était en question, quand les jours de la dynastie régnante étaient comptés, et que, pour reculer l’accomplissement de l’arrêt porté contre elle, il fallait lutter incessamment avec Louis XI d’efforts, de machinations et de duplicité.

J’ai exposé, sans trop espérer de les bien faire comprendre, les variations presque journalières de la conduite de François II durant la première moitié de son règne[1], et l’on a vu qu’après avoir repris et quitté l’alliance de son suzerain, le duc de Bretagne y était encore rentré par le traité conclu à Senlis en 1475. Cet acte solennel avait été juré sur la croix de Saint-Laud après des hésitations bien naturelles assurément chez des princes fort résolus l’un et l’autre à se parjurer à la première occasion favorable, mais en même temps fort alarmés de la redoutable vertu attribuée à certaines reliques. Dans le temps même où François II, par les conseils du chancelier Chauvin et de L’Escun, comte de Comminges, son favori, signait une nouvelle alliance avec la France en désavouant sur le salut de son âme tout projet d’alliance contraire, il autorisait son grand-trésorier à suivre avec l’Angleterre la politique constamment recommandée par celui-ci. Landais travaillait donc, avec l’ardeur que lui inspirait l’idée dominante de sa vie, à préparer avec Edouard IV une alliance offensive et défensive au moment où les états de Bretagne ratifiaient le traité passé avec la France, et où le chancelier Chauvin, toujours agréable au roi, auprès duquel il avait été envoyé quatre fois en ambassade, allait lui en porter les ratifications.

Landais avait à sa disposition, pour négocier avec le parti alors victorieux de la rose blanche, des moyens qu’il s’était soigneusement

  1. Voyez la Revue du 15 novembre.