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tives, et fut élevé à la présidence de la chambre. Comme Henry Clay, il avait commencé par être un démocrate; il se rallia au parti whig sur la question de la banque fédérale, et lui demeura fidèle jusqu’au bout. C’est à ce titre qu’il fut appelé au ministère de la guerre sous la courte administration du président Harrison. Il a représenté ensuite le Tennessee au sénat jusqu’en mars 1859. Quoique citoyen d’un état à esclaves et propriétaire d’esclaves lui-même, M. Bell s’est toujours fait remarquer par la libéralité et la modération de ses vues. Représentant, il a voté en deux occasions mémorables pour le respect du droit de pétition, qu’on voulait retirer aux adversaires de l’esclavage, non pas qu’il approuvât les vues des pétitionnaires, mais parce qu’à ses yeux ils usaient d’un droit constitutionnel. Partisan et défenseur du compromis de 1850<ref> Ce compromis, adopté sur la proposition de M. Clay, avait pour objet de régler la situation des provinces détachées du Mexique, et de mettre fin à l’agitation suscitée par le proviso de Wilmot.<ref>, il a voté contre le bill du Kansas, première cause de la crise actuelle, et c’est son opposition persévérante à la politique de M. Buchanan qui lui a coûté son siège au sénat. Si les amis politiques de M. Bell ont pu lui reprocher quelques hésitations, quelques inconséquences faciles à expliquer chez un homme qui votait presque constamment contre la majorité de ses compatriotes, personne ne l’a jamais soupçonné d’une vue intéressée ni d’une arrière-pensée ambitieuse. Tous les partis rendent justice à sa capacité, à son caractère irréprochable, à son intégrité, à son patriotisme. Propriétaire d’esclaves, M. Bell ne pouvait être suspect au sud, et le nord ne pouvait accueillir qu’avec sympathie un homme qui dans presque toutes les circonstances décisives avait voté dans le sens de la liberté, et qui avait fait à ses opinions le sacrifice de sa position politique. En outre M. Bell était demeuré fidèle aux doctrines économiques du parti whig; il était un protectioniste décidé, et à ce titre il offrait toute garantie aux états industriels, la Pensylvanie, le New-Jersey et l’Indiana, dont le vote avait décidé l’élection de 1856, et semblait appelé à la même influence sur l’élection de 1860.

Pour la vice-présidence, le choix de la convention de Baltimore s’arrêta sur un homme du nord, sur M. Edouard Everett, dont la réputation comme écrivain et comme homme d’état a traversé l’Atlantique. Membre du congrès de 1824 à 1834, gouverneur du Massachusetts pendant quatre ans, ambassadeur à Londres de 1841 à 1845, ensuite président de l’université d’Harvard, successeur de M. Webster au ministère des affaires étrangères et sénateur, M. Everett a occupé avec honneur les plus grandes positions de son pays. Il s’était retiré de la politique en 1853 pour se consacrer aux