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hautement ses principes et en revendiquant tous ses droits que d’acheter une victoire inutile, sinon dangereuse, par des équivoques et un tacite abandon de ses croyances. Si les hommes du sud étaient capables de cette faiblesse, si, pour la vaine satisfaction de voir élire un candidat choisi par eux, ils consentaient à se mettre à la remorque de quelques intrigans, à se faire les instrumens d’ambitieux sans franchise, ils méritaient d’être pendus plus haut que ne l’avait été Aman. Ce discours insultant et provocateur amena une vive réplique d’un des amis intimes de M. Douglas, M. Pugh, sénateur pour l’Ohio. Remontant à quelques années en arrière, M. Pugh établit, par une série de citations accablantes, que tous les citoyens notables du sud, y compris M. Yancey lui-même, s’étaient ralliés avec empressement aux doctrines qu’ils attaquaient maintenant, et qu’ils avaient qualifié d’inadmissibles, d’insensées et d’inconstitutionnelles les exigences dont ils se faisaient aujourd’hui les défenseurs. C’était avec leurs propres paroles et leurs propres argumens qu’il repoussait et flétrissait d’injustifiables prétentions.

Ainsi chaque discours aggravait le dissentiment, et lorsqu’à la séance suivante M. Bigler, de la Pensylvanie, présenta une troisième rédaction et demanda qu’elle fût renvoyée à la commission, il se trouva une majorité d’une voix pour adopter cette proposition. On voulait essayer d’ajourner, sinon de conjurer une rupture que tous sentaient imminente. Vaine tentative! la commission ne put se mettre d’accord, et revint avec deux projets qui ne différaient pas sensiblement des deux qui avaient déjà été proposés. Ce fut au milieu d’une véritable tempête qu’on en vint au vote. Le programme présenté par la majorité de la commission, c’est-à-dire le programme des états à esclaves, fut rejeté dans la convention de Charleston par 165 voix contre 138. Le programme des états libres fut alors mis aux voix et adopté article par article, un grand nombre des délégués du sud s’abstenant de prendre part au scrutin. Lorsqu’il s’agit de voter sur l’ensemble, M. Walker, chef de la délégation de l’Alabama, demanda et obtint la parole. Après avoir donné lecture d’une protestation contre la décision de la majorité, il déclara que, conformément aux instructions qu’elle avait reçues, la délégation de l’Alabama se retirait de la convention. Des déclarations semblables furent faites, au milieu d’un profond silence, au nom des délégations du Mississipi, de la Louisiane, de la Caroline du sud, de la Floride, du Texas et de l’Arkansas. Les délégations de la Virginie, de la Géorgie et du Kentucky demandèrent à se consulter, et la séance fut levée. Quand on voulut reprendre les délibérations, les sept délégations dissidentes ne se présentèrent pas, et il fut décidé qu’on passerait immédiatement au scrutin pour la présidence. La