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défaite que pour la prévenir ; aussi les chefs du mouvement insistent-ils sur la nécessité d’une obéissance éclairée, qui diffère beaucoup de l’obéissance passive. La discipline ne s’appuie ici que sur le sentiment du devoir et sur l’amour du pays. C’est seulement dans le cas d’invasion que les corps libres feraient partie de l’armée régulière, que les volontaires seraient soumis à la loi martiale et traités comme les autres soldats. Même en temps de guerre et sous aucun prétexte, ils ne peuvent d’ailleurs jamais être envoyés par le gouvernement en dehors de leur pays. Le fossé de l’Océan est la limite de leur action. Cette seule clause est de nature à calmer les inquiétudes que semble avoir inspirées à l’Europe le mouvement des volontaires. On peut y voir une précaution, nul ne saurait y découvrir un défi ni une menace : c’est une levée de boucliers, ce n’est point une levée d’armes. En quoi l’Europe a-t-elle à craindre des citoyens enrégimentés pour la défense et non pour la conquête ? Ce caractère pacifique doit, même dans l’idée des Anglais, assurer la durée de la nouvelle armée, uniquement faite pour recevoir l’ennemi, si jamais l’ennemi arrive. Le mouvement ne sera pas un effort fiévreux ni temporaire, comme le sont en général les entreprises agressives. Il s’est développé avec la majesté du flux, et, selon la parole de lord Elcho, il n’aura pas de reflux. Les causes qui ont provoqué, il y a un an, dans la Grande-Bretagne l’appel aux armes étaient, j’aime à le croire, passagères ; mais l’institution leur survivra. Elle se consolide de jour en jour, et tend à devenir une force permanente. Cette armée civile a sans doute coûté et coûte encore aux individus beaucoup de temps et d’argent. Toutefois les économistes à vues larges ne regrettent point ces sacrifices, bien compensés, selon eux, par la protection des intérêts matériels. Aux yeux des Anglais, la confiance est un capital, et la sécurité s’achète. On ne saurait toutefois refuser son admiration à une aussi sage politique et aux actes de dévouement qu’elle multiplie. Où trouverait-on ailleurs, dans un temps d’égoïsme et d’abaissement moral, une armée composée de toutes les classes de la population, une armée d’hommes équipés à leurs propres frais, immolant leurs loisirs, leurs goûts, leurs intérêts privés à la cause nationale ? Parler de la liberté en parlant de l’Angleterre a tout l’air d’un lieu-commun : je dois pourtant dire que les Anglais font entrer en ligne de compte dans les bénéfices de la nouvelle organisation la défense des institutions constitutionnelles. Il faut bien croire après tout que ces institutions ont leur prix, puisque, devant l’ombre même d’une menace, une force de cent cinquante mille baïonnettes s’est levée de terre pour les couvrir.

Un autre champ d’études intéressantes serait de rechercher les