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quels Aristophane se plaît à confier le gouvernement des affaires; c’étaient des connaisseurs distingués, Aristote dit même que les hommes destinés à présider les concours recevaient une éducation spéciale. La peinture était le premier des arts libéraux, et la Grèce entière avait suivi l’exemple de Sicyone, lorsqu’elle déclara que les fils des citoyens libres apprendraient avant tout la science du dessin. Assurément nous ne sommes point aussi avancés.

Les Grecs n’ont donc méconnu ou négligé aucun des moyens qui devaient hâter le progrès des arts. Il arrive aux sociétés civilisées ce qui arrive aux particuliers : elles ignorent parfois ce qu’ont fait les sociétés leurs aînées, et parce qu’elles l’ignorent, elles croient tout inventer. L’esprit grec est par excellence un esprit de rivalité, rivalité de races, de religions, de puissance, rivalité dans la politique et dans les lettres, rivalité de force physique et de beauté. On ne s’expliquerait pas que ce même aiguillon manquât dans les arts. Non-seulement il existait, mais les concours en sont la manifestation la plus vive. Avec quel feu en effet les écoles si diverses d’Athènes, de Corinthe, de Sicyone, d’Égine et de Sparte ne durent-elles point lutter à qui pousserait le plus rapidement chaque branche de l’art vers sa perfection? Ces luttes, nous les devinons malgré l’oubli des historiens, nous les sentons à travers tant de siècles d’indifférence et de barbarie, nous en pouvons montrer du doigt les traces fugitives. Tel un parfum que la brise apporte aux navigateurs, sans qu’ils voient quelle fleur le répand sur la rive toujours lointaine.


II.

Dans l’antiquité, il y avait donc et des expositions permanentes dont les richesses, semblables à celles d’un musée, allaient toujours s’accroissant, et des expositions temporaires qui constituaient un concours. On ne saurait, en effet, se figurer une génération d’artistes se disputant solennellement l’attention publique et la gloire, sans que des rangs soient assignés ou des récompenses décernées. Or l’esprit grec, logique par excellence, poussait chaque principe jusqu’à sa limite rigoureuse. Dans les sociétés modernes, les institutions de ce genre ont dû se transformer; elles se sont compliquées, comme la civilisation elle-même; peut-être n’ont-elles pas beaucoup gagné à devenir moins simples. Nous ne chercherons pas comment la renaissance mettait aux prises d’une façon directe les peintres ou les sculpteurs, quoique les portes du Baptistère de Florence soient un illustre témoignage de la victoire de Ghiberti sur ses rivaux. Même en nous restreignant à la France, l’histoire des expositions nous éloignerait du but, car s’il est nécessaire de considérer ce que faisaient les anciens pour recevoir d’eux des exemples et de saines