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terre, les progrès de l’agriculture ont laissé peu de terrains vagues et négligés. D’un autre côté, un tir à la carabine est un voisin incommode ; le fermier des environs ne peut plus visiter en tout temps ses moissons et son bétail avec ce calme d’esprit qui caractérisait jadis le paysan britannique. Il y a bien de grands propriétaires qui ont libéralement prêté à des corps de riflemen une partie de leurs domaines ; mais les parcs et les lords généreux ne se rencontrent point partout. Le fait est que, dans l’état présent des choses, quelques compagnies, d’une date relativement ancienne, n’ont point encore pu se procurer un champ de pratique, d’autres en ont un d’une faible étendue ; d’autres enfin vivent sur la tolérance d’un propriétaire, et par conséquent hésitent devant les frais considérables qu’exige l’érection des buttes. Cette dépense est plus grande qu’on ne pourrait le croire. À Wormwood-Scrubbs, le prix de ces ouvrages de terre et de maçonnerie s’est élevé à la somme de 332 livres sterling. Le conseil de la rifle association s’emploie, il est vrai, de son mieux à surmonter les obstacles, et les compagnies en retard, stimulées par l’exemple des autres compagnies qui ont déjà acheté un terrain, n’épargnent guère les sacrifices. Le jour n’est donc point éloigné où chaque ville, peut-être même chaque village de la Grande-Bretagne, aura son tir à la carabine, comme il avait autrefois son tir à l’arc. Ce n’est pas tout encore que de posséder les instrumens, il faut apprendre l’art de s’en servir. La meilleure carabine Witworth et le tir le plus dispendieux ne feraient point un rifleman accompli sans certaines règles de l’art. Aussi le gouvernement anglais a-t-il décidé qu’il n’accorderait gratis les munitions de poudre et de balles qu’aux corps de volontaires dont deux membres auraient reçu durant quinze jours l’instruction technique à l’école de Hythe.

La petite ville de Hythe est située au bord de la mer, et, pour y arriver de Londres, vous traversez en chemin de fer les riches prairies et les houblonnières du Kent. À partir d’Ashford, la route présente surtout d’agréables points de vue, la campagne environnante étant arrosée par trois cours d’eau qui se réunissent avant d’entrer dans Hythe. Ce qui en avançant frappe le voyageur est moins la ville elle-même que les révolutions récentes auxquelles toute cette partie de la côte a été soumise. La ville, située au pied d’une falaise, ne consiste guère qu’en une rue parallèle à la mer, avec des ruelles qui s’étendent dans la même direction ou la coupent à angles droits. Il y a bien un hôtel de ville, un marché, et même une vieille église, de style mi-parti normand, mi-parti anglais, qui s’élève au-dessus de la ville, sur une des pentes de la raide colline, avec une tour regardant à l’ouest et une vénérable crypte où dor-