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per le centre de l’un et l’autre fronton du Parthénon. Ils les exposèrent avant de les placer au sommet du temple. La Minerve d’Alcamène, plus fine, plus délicate d’exécution, faite pour être examinée de près, fut préférée. On s’indigna au contraire contre Phidias, qui avait donné à sa statue des yeux dilatés, une grande bouche et des narines ouvertes, parce qu’il avait tenu compte des lois de la perspective. Aussi, quand les deux statues eurent été hissées sur les frontons, à une hauteur de quarante-cinq pieds, se produisit-il un retour subit dans l’opinion. La Minerve de Phidias apparut dans toute sa beauté, avec un effet grandiose, tandis que l’œuvre d’Alcamène fut jugée mesquine.

Ici la lutte n’a plus un caractère officiel : l’initiative semble venir des particuliers. La Grèce, en effet, a connu aussi les expositions particulières. Le XIXe siècle ne les a point inventées, il ne peut même réclamer l’idée de faire payer les visiteurs. Les peintres qui ont fait cette spéculation n’étaient que les plagiaires de Zeuxis. Quand Zeuxis exposa son Hélène, il exigea de chaque curieux un droit d’entrée. Il faut dire que cette Hélène était le fameux tableau pour lequel avaient posé, en vertu d’un décret public, les cinq plus belles vierges de Crotone. C’était une œuvre d’une pureté idéale : je ne crois pas que nos exhibitions privées aient une excuse semblable, même celles de M. Courbet. Apelle faisait aussi des expositions particulières, mais dans une pensée plus noble. Il montrait ses tableaux à peine achevés. Caché derrière le tableau, il écoutait les critiques des spectateurs et en profitait pour retoucher les parties défectueuses. Il ne dédaignait pas l’avis d’un humble cordonnier, si le cordonnier blâmait les sandales de ses personnages. Apelle faisait ces sortes d’expositions dans la salle des ventes publiques. Plus tard, on voit par un article du code de Théodose (XII, 4, IV) que les professeurs de peinture obtenaient gratuitement, dans les édifices appartenant à l’état, un atelier et un local d’exposition.

Il serait facile de pousser plus loin les rapprochemens avec ce qui se passe de nos jours. Par exemple, le public grec, si intelligent, si passionné pour les arts, se trompe parfois. Tantôt il s’attire une leçon méritée, notamment dans la querelle de Phidias et d’Alcamène, tantôt il commet une injustice ridicule, lorsqu’il condamne Micon à une amende de 3000 drachmes, parce que, dans sa bataille de Marathon, il a peint les Perses d’une taille plus haute que les Athéniens. Et les juges des concours ne sont-ils pas déjà l’objet de toute la colère des artistes vaincus? Parrhasius les compare aux chefs achéens qui dépouillèrent Ajax. Apelle leur préfère des chevaux. Il ne restait plus qu’à transformer le jury d’exposition en un tribunal de singes, comme l’a fait Decamps. Les juges des concours anciens n’étaient cependant ni ces charcutiers, ni ces corroyeurs aux-