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ragemens, il est certain que la nouvelle milice est sortie tout entière des entrailles de la nation. C’est le pays qui a tout fait sous les yeux du gouvernement. Il faut bien remarquer que la circulaire du ministre n’était point un appel aux armes. C’était la reconnaissance pure et simple du droit qu’avaient les citoyens de la Grande-Bretagne de se défendre eux-mêmes comme ils l’entendraient contre les dangers de l’invasion étrangère ou contre leurs propres terreurs. À peine eut-il obtenu le consentement de la couronne, que le peuple anglais, — le plus étranger de tous jusque-là aux goûts militaires, — s’éveilla pour ainsi dire soldat, et se mit en devoir de couvrir ses côtes, ses villes, ses riches campagnes, d’un rempart de baïonnettes. Tout le monde accourut : les moins effrayés, ceux qui croyaient le moins à une tentative de descente de la part d’une flotte ennemie, se dirent que le meilleur moyen de rassurer le commerce était de tirer sur les fantômes, et ils suivirent l’entraînement général. La volonté de la nation venait ainsi au secours des anciens boulevards naturels, la mer, les récifs, les rochers, sorte de cuirasse traditionnelle, dont la science militaire venait de signaler les défauts. On vit, à cent ans de distance, se réaliser la prophétie du barde écossais, du vieux Robert Burns : « Une vertueuse populace se lèvera et formera un mur de feu autour de notre île bien-aimée. »

J’ai montré l’origine du mouvement : en vertu de quel mécanisme se sont formés et se forment encore tous les jours les différens corps de volontaires, c’est ce qu’il nous faut maintenant indiquer. L’organisation commença dans tout le pays par des meetings. Dans ces réunions, présidées par des membres influens de la localité, on fit un appel au sentiment patriotique, et l’on démontra l’utilité de se constituer en une force armée. Le principe étant admis, on nomma généralement un comité exécutif, chargé de lever des souscriptions et de défendre les intérêts civils ou militaires de la compagnie. Une liste d’enrôlemens volontaires fut aussitôt ouverte ; cette liste se divisait en trois classes : 1er les membres effectifs, qui s’engageaient à payer leurs armes et leur uniforme ; 2o le corps de réserve, dont les membres promettaient de servir en cas d’invasion ; 3o les non effectifs, qui devaient encourager le mouvement par une souscription annuelle, sans payer de leur personne. Comme rien ne se fait sans argent, on recueillit activement les dons de toutes les personnes qui s’intéressaient à la libre défense du pays. Je vois par les comptes d’une seule compagnie, le Central London volunteer rifle corps (et ce n’est point la plus riche), que les dons volontaires, sans compter les souscriptions des membres effectifs, se sont élevés à la somme de 424 livres sterling. Ces libéralités se continuent. Il y a quelques mois, le trésorier des North Middlesex rifles reçut la visite d’une dame en deuil qui venait de rencontrer ce corps, s’avançant sous les