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que l’ennemi vienne, et Dieu veuille qu’elle l’attende longtemps ! L’organisation d’une telle force suppose deux choses qui ne se rencontrent point ailleurs : un gouvernement assez puissant pour se reposer sur la nation, et une nation qui ait assez de confiance dans son gouvernement pour ne point abuser du droit de porter les armes.

Il existe un lien entre les soldats et les volontaires, c’est la milice. La milice est une force qui se lève surtout dans les campagnes pour la défense intérieure de l’Angleterre. Elle se recrute, comme l’armée, d’après le principe de liberté. Un acte du parlement a déterminé en 1852 que chaque enrôlé dans la militia recevrait une somme de 6 livres sterling à titre de bounty. Si pourtant le nombre de ces hommes de bonne volonté n’était pas suffisant dans un district, l’état peut recourir à une sorte de conscription par voie de scrutin qui atteint tous les individus depuis l’âge de dix-huit jusqu’à trente-cinq ans. Ajouterai-je que depuis longtemps le gouvernement anglais s’est abstenu de se servir à cet égard du pouvoir que lui donne la loi ? Les miliciens n’ont point même été appelés cette année-ci sous les drapeaux, et le ministre de la guerre prépare en ce moment de grandes réformes qui devront modifier le caractère de cette arme. Comme ces réformes ne sont pas encore très connues, je m’abstiendrai d’en parler. Si j’ai bien compris l’idée du ministre, il voudrait envelopper dans la milice, réorganisée sur une nouvelle base, une classe de la société qui est restée en dehors du mouvement des volontaires, et dont les hommes se rapprochent plus que d’autres par leur manière de vivre des mœurs et de la condition du soldat.

C’est sur les volontaires proprement dits que doit se fixer notre attention. Ce nom a donné lieu, il est vrai, à quelques critiques. On a représenté que, dans la Grande-Bretagne, tous les services, l’armée et la marine, étaient remplis par des volontaires. Il y a pourtant une grande différence entre les recrues de l’armée régulière et ceux de l’année civile : les uns reçoivent de l’argent, les autres en donnent ; les premiers sont attirés sous les armes par l’attrait d’une récompense, les seconds par l’attrait du désintéressement et du sacrifice. Un autre caractère qui, après comme avant l’enrôlement, distingue les vrais volontaires est l’absence de toute compression. Cette armée, qui se supporte elle-même, n’obéit guère qu’à son libre arbitre. Pour comprendre le mouvement qui s’est développé en 1860, et où tout s’est fait par l’initiative individuelle, il nous faudra jeter un regard rétrospectif sur les volontaires du passé. Nous serons ainsi mieux préparés à saisir l’esprit de l’institution et ce qu’elle ajoute au caractère de l’Anglais. Le but est de faire de chaque homme un soldat pour la défense du pays, et l’on espère