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à bon droit au nombre des causes qui hâtèrent l’annexion du duché à la France, encore que la noblesse bretonne tînt par le fond de ses entrailles à l’indépendance de son pays. Cette noblesse se trouvait en effet, par les prescriptions du droit féodal, contrainte de toujours répondre à l’appel des grands feudataires dont elle relevait, soit qu’il s’agît de teindre de son généreux sang les eaux du Nil ou de suivre à l’aveugle la bannière des hauts barons dans leurs révoltes contre les ducs, révoltes dont le dernier terme, quelque soin qu’on mît à le voiler, était l’absorption de la Bretagne. Quatre ou cinq maisons, dont deux au moins faisaient remonter leur origine aux premiers rois armoricains, et que de nombreuses alliances rattachaient aux familles souveraines d’Anjou, de Lorraine, de Navarre, de Foix, d’Armagnac, souvent même au sang royal de France et d’Angleterre, avaient dans le duché, dont leurs vastes fiefs embrassaient alors la presque totalité, un patronage militaire trop considérable pour qu’il n’y devînt pas bientôt dangereux. Ces familles, déjà pourvues en France des plus hautes charges de la couronne, n’employaient plus leur suprématie féodale en Bretagne qu’à pousser leur fortune en dehors du duché, afin de s’établir sur un plus grand pied dans le royaume.

Au sein même de la maison régnante, les ducs avaient toujours à compter avec la branche de Penthièvre, dont le traité de Guérande n’avait pas désarmé les prétentions, et qui, après d’odieux guets-apens contre les princes qu’elle avait solennellement reconnus, vendit traîtreusement à la France des droits qu’un siècle et demi d’impuissance n’avait pas à coup sûr rendus plus légitimes. Moins redoutable par ses visées politiques, la maison de Rohan l’était peut-être plus encore par les sympathies profondes que lui valait son nom et qu’appuyait sa fortune territoriale. Fiers d’une origine royale que la science héraldique a pu contester, mais qui, du XIIe au XVe siècle, ne faisait en Bretagne doute pour personne, alliés à toutes les familles alors régnantes, neveux et beaux-frères de leurs souverains, les vicomtes de Rohan, barons de Léon et comtes de Porhoët, dont le fief principal embrassait à lui seul cent douze paroisses, se sentaient à l’étroit dans leur berceau ; déjà l’une de leurs branches, celle de l’amiral de Montauban, venait de s’implanter en France, et bientôt l’aîné de leur maison allait servir avec éclat la couronne sous le nom de maréchal de Gié. La maison de Laval et de Vitré, issue d’une fille de Conan le Gros, qui à ce titre disputait à celle de Rohan la préséance aux états de Bretagne, et que son alliance avec la maison de Montmorency avait dès le XIIIe siècle rendue très puissante dans le royaume, suscitait aux ducs des embarras que ne conjurèrent pas les nombreux mariages conclus par les membres de