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maux. Ces idées ont été bien changées depuis que les chimistes, et particulièrement M. Marcellin Berthelot, ont tant fait de substances organiques qu’il est permis de prévoir que toutes prendront bientôt naissance dans les cornues, comme elles l’auraient fait dans les organes des arbres et des plantes. Puisque ces composés organiques sont de la sorte identifiés aux produits de la nature minérale, rien ne prouve que les combinaisons mêmes ou les mélanges de ces principes immédiats ne puissent pas bientôt être artificiellement obtenus. La matière organique possède, elle aussi, une force particulière, une aptitude à se combiner pour composer des organisations vivantes : or cette force que possède la matière organique tant qu’elle n’est pas réduite en combinaisons binaires n’est pas beaucoup plus explicable, n’a pas une origine beaucoup plus claire que celle qui anime les infusoires.

M. Pouchet paraît penser que cette production d’êtres très inférieurs par génération spontanée est le dernier effort de la force créatrice. Les soulèvemens qui ont formé nos vallées, nos montagnes, enfin toute la surface variée de notre monde, ont été successifs, et les animaux et les plantes ont apparu peu à peu. Chacun sait que les fossiles sont répartis par étages dans l’écorce du globe, et que chaque couche géologique correspond à une faune particulière. Humboldt a dit : « Chaque soulèvement de ces chaînes de montagnes dont nous pouvons déterminer l’ancienneté relative a été signalé par la destruction des espèces anciennes et par l’apparition de nouvelles organisations. » Ces créations ont dû se succéder à de longs intervalles, et ces êtres ont sans doute été extraits de la matière même, sans qu’aucun parent, aucun germe ait contribué à les produire. M. Pouchet pense que ce mouvement ne s’est pas arrêté, que la création n’est pas finie, et que la formation des animaux gigantesques, suivie de celle d’êtres plus petits qui peuplent encore la terre, est maintenant remplacée par la production des microzoaires qui naissent dans les infusions de la même manière et en vertu de la même force. Les créations diverses lui démontrent que la vie ne s’est pas transmise par une chaîne non interrompue de possesseurs, puisque les formes antédiluviennes ne peuvent être reliées à la création contemporaine, et que les espèces perdues ne sont pas des variétés des espèces vivantes. Pourquoi, maintenant comme autrefois, n’y aurait-il point apparition d’êtres nouveaux ? Pourquoi dans les temps modernes les phénomènes d’autrefois seraient-ils devenus impossibles ? Nous devrions être presque humiliés de nous voir déshérités par des physiologistes sans orgueil. Les animaux qui naissent sous nos yeux sont sans doute plus petits, mais la raison en est simple : dans les temps primitifs, le globe tout entier était en fusion et la