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la colle de farine, les bulbes de dahlia comme la racine de guimauve. Comment dans chaque substance des germes différens viennent-ils se placer ? Cette expérience-là n’est pas propre à M. Pouchet, mais il l’a renouvelée et mille fois variée. Comme Treviranus, il a de plus observé ce fait singulier, que deux liqueurs qui, séparées, produisent deux sortes d’êtres différens, donnent naissance à une troisième espèce, lorsqu’elles sont mélangées. D’où viennent ces derniers animalcules ? Leurs germes étaient-ils déjà dans l’une des deux infusions, attendant pour se développer qu’un hasard amenât ce mélange ? Est-ce l’air qui les a apportés ? Pourquoi n’ont-ils germé que dans le troisième vase et dans aucun des deux premiers ? Le phénomène a lieu même quand la nature des infusions est très analogue. Ainsi des crânes d’hommes ayant vécu dans différens pays et différens siècles ont produit des êtres divers. Sur un Égyptien sont nés des épistylis, des encheliydes, des vibrionides ; sur un Mérovingien, des glaucoma scintillans Ehr., des vorticella infusionum Duj. ; sur un crâne contemporain, des kolpodes, tandis que ces infusions mélangées se sont remplies d’animaux d’une autre espèce, et aussi de plantes, particulièrement des algues variées. Ajoutons aussi que la température, la pression atmosphérique, la forme du vase, le poids de la dissolution, exercent des influences sur la forme de ces êtres singuliers. Tandis que, dans dix grammes de foin, naissent des kérones de 0mm, 1120 et des kistes de 0mm, 042, dans 2 grammes on n’aperçoit que des microzoaires bien plus petits et mal déterminés. La durée même de l’expérience a quelque importance, et les animalcules très inférieurs apparaissent les premiers.

L’eau est nécessaire à la production de ces infusoires ; mais qu’arrive-t-il lorsque l’eau pure est abandonnée à elle-même ? Est-ce ce liquide qui contient ces germes ou qui produit ces animaux ? Priestley, dès la fin du siècle dernier, avait vu se former dans l’eau pure une substance connue sous le nom de matière verte de Priestley, production spontanée dont la nature a été longtemps mal connue. Des observations récentes ont montré qu’elle était composée seulement de cadavres d’animalcules ; mais il ne faut pas y attacher grande importance, et l’on doute que, dans les cas où elle se produit, l’eau soit parfaitement pure. Que l’air contienne des germes ou qu’il n’en contienne pas, il est certain que des matières organiques y sont en suspension, et que l’eau en absorbe une partie. L’eau chimiquement pure, c’est-à-dire la combinaison de l’oxygène et de l’hydrogène, ne peut dans aucun cas produire des phénomènes de ce genre, car il y aurait là non pas seulement génération spontanée, c’est-à-dire combinaison, mais apparition d’élémens nouveaux, c’est-à-dire création, puisque les animalcules renferment de l’azote,