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vent se réunir, et pour que leur graine soit fécondée, il est nécessaire que le vent arrose la fleur de l’une par le pollen de l’autre. Sans doute bien des germes se détruisent et ne se développent pas ; mais peu importe, car la production semble d’autant plus grande que l’ovule est exposé à plus de dangers. On a compté plus de dix millions de corpuscules reproducteurs sur un végétal, et la fécondité de quelques microzoaires n’est pas moins grande.

Les preuves ne manquent pas pour mettre ce fait en lumière. Cependant on aurait tort de penser que les anciens naturalistes aient expliqué le phénomène de cette façon. Ce qui paraît difficile aujourd’hui était facile pour les esprits des premiers âges. Les enfans et les sauvages trouvent naturel ce qui est incompréhensible, et merveilleux les phénomènes vulgaires. Tel qui ne s’est jamais étonné de voir lever le soleil, courir un lièvre, penser un homme, tombera en extase devant un coup de fusil ou un miroir. Aussi les anciens admettaient-ils sans difficulté que de la putréfaction naissait la vie. Ce n’est pas seulement un milieu favorable, une chaleur propice et des matières assimilables que fournissait la substance en décomposition, c’est la vie même et l’organisation tout entière. Du milieu de la matière amorphe sortait pour eux sans transition la matière organisée et vivante. Ils ne l’admettaient pas seulement pour ces animaux si simples dont nous voulons parler ici et qu’ils ne connaissaient pas, mais aussi pour des êtres plus compliqués et plus parfaits. Samson avait vu naître les abeilles des intestins d’un jeune lion et avait mangé de leur miel. On connaît l’histoire d’Aristée sacrifiant un taureau aux mânes d’Orphée et d’Eurydice :

Hic vero subitum ac dicta mirabile monstrum
Aspiciunt, liquefacta boum per viscera toto
Stridere apes utero, et ruptis effervere costis.

Aristote et Anaxagore avaient été témoins de faits analogues, et pour, eux les rats, les serpens, les crapauds, les insectes n’avaient pas d’autre origine. On expliquait même ainsi la création du monde, et la doctrine était peu contestée. M. Pouchet a recueilli tous ces témoignages. Il publie une longue liste de tous les hommes illustres qui dans l’antiquité ont cru à la génération spontanée, et quoique leurs opinions n’aient pas une grande valeur scientifique, il est toujours agréable de penser comme eux. Il y ajoute les noms de ceux qui, au moyen âge, ont encore embelli par des légendes une théorie déjà peu rigoureuse, tels que Cardan, qui croyait que l’eau de mer produit naturellement les poissons, et cet autre expérimentateur qui, ayant fait sécher des serpens et semé leur poudre, récoltait des serpens bien vivans, etc. Jusqu’à la fin du XVIe siècle,