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On a fait beaucoup de bruit du projet conçu autrefois par M. Cantù d’ériger l’état lombard-vénitien en royaume séparé sous le sceptre du jeune archiduc. Actif, remuant, aimant à braver l’opinion, Cesare Cantù n’est entré au parlement qu’à la suite d’une lutte acharnée. — S’il y a peu de noms encore que nous puissions citer, la députation lombarde se présente en masse comme un bataillon d’hommes zélés, laborieux, désintéressés. Ils apportent aux affaires cette fraîcheur de sentimens propre aux gens qui débutent, ce dévouement au devoir qui n’a encore été ébranlé par aucun mécompte, cette droiture qui non-seulement méprise, mais qui ignore les bassesses et les voies tortueuses.


Je crois avoir prouvé que la Lombardie est un pays de riche culture et de petite propriété. La facilité avec laquelle chacun vit, l’aisance des rapports entre les classes de la société, l’absence de partis politiques et de dynasties déchues, la haine universelle contre les maîtres étrangers rendent la nation unie et compacte. Ces petits propriétaires serrés les uns contre les autres ont de longue date appris à gérer avec sagesse leurs affaires municipales. On n’a pas à redouter d’ailleurs les excès de l’esprit de municipalisme; au contraire la Lombardie aspire sincèrement à se fondre dans l’unité italienne. Le peuple lombard, d’ordinaire ami de l’ordre, déploie de l’énergie et de la passion quand le drapeau tricolore est en cause. Pour l’indépendance italienne, il oublie volontiers les conseils de la prudence; mais il s’en souvient quand il s’agit du gouvernement du pays. Neuf encore et inexpérimenté dans l’administration politique, il y fait cependant ses premiers pas avec dignité. Tel est le peuple qui paraît destiné à être comme le ciment du nouvel édifice italien ; car si, par sa situation géographique, il touche aux diverses provinces de l’Italie supérieure, il tient aussi à toutes par quelque côté de son caractère : comme les Piémontais, il a de l’économie, de la patience, des soldats forts et disciplinés; il a, comme les Toscans, l’esprit facile et ouvert aux arts; des Romagnols, il a parfois la fougue; enfin, par une longue communauté d’infortune, il a appris à plaindre et à aimer Venise.


EDGAR SAVENEY.