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littérature milanaise. En dépit de tous ces beaux raisonnemens, le dialecte depuis un an perd continuellement du terrain. On a vu beaucoup de gens du dehors, et on ne pouvait s’entendre avec eux qu’en italien. Dans la Lombardie même, le brescian, le bergamasque, le crémonais, le milanais, ne pouvaient se comprendre en dialecte; il fallut donc, pour s’occuper des affaires du pays, employer la langue italienne. Peu à peu elle se répand. Je sais bien que, pour devenir tout à fait usuelle, elle aura besoin de se modifier. Trop longtemps reléguée dans les livres, elle a pris l’air pédantesque. Les mots, les phrases, ont de longues queues traînantes et des ajustemens qui sentent le théâtre; mais le travail d’abréviation se fera de lui-même, on raccourcira les jupes des mots, on ôtera aux phrases quelques pompons, et il restera pour l’usage courant une langue accorte, vive et sonore.

En somme, le peuple lombard, peuple de petits propriétaires, administre avec une extrême sagesse ses affaires municipales, et quoi qu’on ait pu dire, son municipalisme est exempt de dangers. L’esprit de clocher n’existe plus; l’esprit provincial s’efface chaque jour et ne demande qu’à disparaître dans l’unité nationale, ainsi que nous le montrerons en parlant de la vie politique.


IV. — LA VIE POLITIQUE.

L’énergie et l’activité n’ont point encore paru parmi les qualités que nous avons signalées chez le peuple lombard : c’est qu’il n’en a pas besoin pour vivre de la vie matérielle; mais nous les rencontrons dès que nous abordons la vie politique. Là un fait domine, c’est l’exaltation de l’idée nationale, la foi vive dans l’unification de l’Italie : foi entière, obstinée, incapable de transaction, comme l’ont été toutes celles qui ont triomphé ! dans le culte de la patrie, les Lombards sont passionnés, et au service de cette passion ils ont un sang riche et un esprit bien doué. Il n’a fallu rien moins que leur patriotisme ardent, fébrile, entêté, pour faire avorter les essais de séduction que l’Autriche tentait dans ces dernières années.

On a pu voir que Radetzky, après la guerre de 1849, tint la Lombardie avec une main de fer; mais plus tard l’Autriche inaugura le système de la douceur. Elle envoya en Italie l’archiduc Maximilien, prince jeune, intelligent, artiste, marié à la fille d’un roi constitutionnel. Maximilien chercha à se rendre populaire : il échoua complètement, un peu parce que Vienne n’eut pas le courage d’accepter franchement ses conseils, mais surtout parce qu’il se heurta contre le patriotisme obstiné de la nation. D’un ennemi, elle ne voulait rien