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laisser envahir ni absorber. Il serait hors de propos d’exposer toutes les conditions auxiliaires : le fait est que la race aryenne put y développer les puissantes facultés qu’elle possédait virtuellement; mais il est permis de penser que, si le flot des émigrations, au lieu de diriger vers les bords du Strymon et de l’Ilissus les peuplades helléniques, y eût dirigé des peuplades latines, celtiques, germaniques ou slaves, un résultat très identique se fût produit, et les grandes origines de la poésie et de la science européennes, au lieu d’être en grec, seraient en quelqu’un de ces dialectes du langage aryen. Ce lot tomba sur la tête choisie des Hellènes, et certes jamais heureuse chance ne fut mise à plus beau et plus glorieux profit. Dès lors la civilisation marcha vers l’Occident et rejoignit les sous-races aryennes, restées dans un état d’autant plus barbare qu’on s’enfonçait plus vers le nord. D’abord ce furent les populations latines qui entrèrent dans le giron ouvert, puis les populations gauloises, puis les populations germaines, et finalement les populations slaves. A fur et mesure, ces Latins, ces Gaulois, ces Germains arrivèrent dans les régions de la poésie, de la science, de la politique, de la philosophie, et si les Slaves n’y jouent pas encore un rôle égal à celui des autres, on ne peut en accuser que le retard des circonstances. Bientôt, tout l’annonce, ils ajouteront une nouvelle puissance intellectuelle à celle qui, prenant de plus en plus la direction des affaires du globe terrestre, augmente incessamment le trésor du génie humain.

C’est par ce que j’ai nommé plus haut l’éducation de civilisation que se fait l’assimilation ; la rationalité est infusée partout, grâce au progrès des sciences et des lettres. Les races et les sous-races qui se montrent capables de la recevoir ne tardent pas à devenir dignes d’entrer en compétition avec celles qui sont leurs anciennes dans l’œuvre sociale. En l’état actuel des connaissances anthropologiques, on peut, je crois, affirmer que toutes les races blanches (à plus forte raison les sous-races) sont susceptibles d’atteindre intellectuellement des niveaux qui se balancent. L’Europe en offre des exemples décisifs. Les Ibères ou Espagnols, qui ne sont point de même race que les Aryens, ont, grâce à leur éducation par les Tyriens, par les Carthaginois et finalement par les Latins, précédé en civilisation les Gaulois et les Germains, et sont devenus tels qu’on les confond, sans distinction possible, dans le groupe européen qui dirige le monde. A la vérité, M. O’Connell les agrège à la sous-race des Celtes; mais, bien que les Celtes aient en effet envoyé des peuplades en Ibérie et qu’on y connaisse des peuples celtibériens, le fond de la population n’a pas été changé par ces invasions, pas plus que le fond de la nôtre ne l’a été par les invasions germaniques. Soutenir que nous autres Français nous sommes des Germains parce que