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UNE PARQUE

SCÈNES DE LA VIE ANGLAISE


PREMIÈRE PARTIE.[1]

Ἔπειτα ποίας ἡμέρας δοκεῖς μ’ ἄγειν,
Ὅταν θρόνοις Αἴγισθον ἐνθακοῦντ’ ἴδω
Τοῖσιν πατρῴοις.

(Sophocle, Électre.)


La mémoire des enfans est une merveille. Nul n’a pu surprendre les secrets de cet organe phénoménal qui absorbe et retient, servi par une susceptibilité toute particulière, ce qui semble devoir lui rester incompréhensible. Aujourd’hui que je vais, — vouée à de tristes loisirs, et en attendant la fin sans doute prochaine d’une existence à demi brisée, — rassembler les souvenirs de mon enfance, tristes préludes de ceux que m’a légués ma jeunesse déjà morte, je m’étonne de retrouver si profondément empreintes en moi, si vivantes encore et si colorées, ces images d’un passé lointain.

Lorsqu’elles me frappèrent pour la première fois, rien ne fixait sur elles mon attention distraite : aucune réflexion ne me commandait d’y appliquer mon regard, de les graver en moi-même ; je

  1. The Lees of Blendon-Hall, an autobiography, by Noell Radecliffe ; three vols, London 1859. — C’est à l’œuvre publiée sous ce titre que sont empruntés l’idée-mère et les principaux incidens du récit qu’on va lire. En appliquant à cette dramatique histoire un procédé d’analyse dont on trouve plus d’un exemple dans la Revue, nous n’avons fait que céder au désir que l’auteur a bien voulu nous manifester par une lettre écrite en français avec une rare élégance. M. Noell Radecliffe est déjà connu par un roman remarquable, Alice Wentworth.