Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombreuses raisons pour ne pas attaquer Venise ; il a prouvé récemment à l’Europe qu’il est assez puissant pour résister aux partis révolutionnaires qui voudraient le pousser à cette témérité.

Que l’on continue donc de toutes parts à se préparer et à s’observer, il faut s’y résigner, non sans compensation, puisque cette singulière attitude défensive et expectante prise par chacun éloigne la guerre. Sans doute nous ne savons où nous allons ; mais, en allant ainsi au jour le jour, nous gagnons du temps pour la paix, et qui sait ? quelque diversion imprévue peut changer nos préoccupations, et en nous menant loin de la voie où nous sommes, nous ménager quelque surprise heureuse ! e. forcade.



ESSAIS ET NOTICES.

NOUVELLE CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE DE JOSEPH DE MAISTRE.




Il y a deux ans qu’une première série de pièces inédites relatives à des mémoires politiques et à la correspondance diplomalique de Joseph de Maistre produisit dans le public une assez vive impression. Ces lettres annonçaient « un travail inquiet, un certain mouvement de ce grand esprit désorienté, qui semble sans cesse tressaillir, se réveiller comme d’un rêve, se replier sur lui-même et ouvrir les yeux malgré lui. En un mot, on a cru que, transfuge posthume, il passait à ceux qu’il avait paru combattre toute sa vie[1]. » — Jusqu’à quel point et en quel sens cette impression rend-elle la vérité ? C’est un côté sur lequel nous édifie complètement une nouvelle correspondance inédite de Joseph de Maistre, qui prochainement sera connue du public[2]. Il n’est pas de double interprétation possible, et l’on doit être assuré que jusqu’à la fin l’auteur du Pape resta fidèle aux principes de toute sa vie, sans que le doute, même le plus intime, soit un seul moment venu les altérer. Cela se conçoit. Le comte de Maistre n’admit d’aucune façon, ne comprit même jamais ce retour sur soi-même, ce doute cartésien qui justifia par exemple, sans en être la cause principale, la transformation de Lamennais. Si l’ambassadeur du roi de Sardaigne auprès du tsar adresse à l’Autriche, par conséquent aux dynasties européennes, de dures vérités, si l’étude de ces vérités le conduit forcément à certaines conclusions libérales en ce qui concerne les rapports internationaux créés par la révolution d’abord, puis par les traités de 1815, c’est uniquement qu’il s’inquiète des

  1. Voyez l’étude de M. L. Binaut dans la Revue du 1er décembre 1858.
  2. Correspondance diplomatique, etc., de Joseph de Maistre, publiée par M. Albert Blanc, chez Lévy, 2 vol. in-8o.