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alliances particulières, ou même des alliances avec des puissances étrangères? Cette imprudente déclaration souleva une patriotique indignation d’un bout à l’autre de l’Allemagne; mais le roi de Hanovre conserva son ministre et lui donna peu après des marques éclatantes de sa faveur.

A la suite des débats du parlement prussien qui avaient provoqué la sortie intempestive de M. de Borries, on vit les gouvernemens des petits états, par crainte d’être absorbés dans ce qu’on nomme un peu vaguement l’hégémonie prussienne, se concerter entre eux en vue de former une ligue capable de résister aux prétentions de la Prusse. Le ministre de Saxe, M. de Beust, chef d’un cabinet presque aussi impopulaire que l’était naguère celui de M. de Manteuffel, se fit l’âme de ce mouvement, et s’efforça de nouer une alliance entre les quatre royaumes secondaires de Saxe, de Wurtemberg, de Bavière et de Hanovre. Ces intrigues éclatèrent au grand jour surtout quand la Prusse, en prévision d’éventualités qui pourraient engager les forces entières de la confédération, proposa à la diète des changemens dans l’organisation de l’armée fédérale. Le commandement de cette armée a jusqu’ici été dévolu à l’Autriche seule; la Prusse, par des raisons militaires et politiques, demanda que les forces de la confédération reçussent pendant la guerre un double commandement, et qu’une armée du nord fût conduite par elle-même, une armée du sud par l’Autriche. La diète repoussa cette proposition. Plus tard, la question de la réforme militaire fut reprise dans une conférence des états secondaires à Wurtzbourg, et l’on vit se produire une tentative pour créer une armée du centre, formée par les contingens des puissances de deuxième et de troisième ordre. On crut remarquer que cette combinaison ne reçut que peu d’encouragemens de la part de la Bavière. Ce royaume, moins considérable que la Prusse et l’Autriche, l’est pourtant plus que le Hanovre, la Saxe et le Wurtemberg; aussi tantôt le voit-on entrer dans les plans des petits états, tantôt aspirer au rôle de grande puissance, ou tout au moins à la suprématie parmi les états secondaires.

Toutes ces intrigues se croisent au-dessus du peuple allemand sans qu’il y attache une grande importance et se donne la peine d’en démêler les mystères et les complications; les courans qui entraînent la pensée populaire et ceux auxquels s’abandonnent les princes ne se rencontrent presque jamais. On me racontait récemment qu’une princesse à Dresde, regardant par une fenêtre le beau pont jeté sur l’Elbe et sans cesse traversé par une foule animée, s’était prise à dire avec un profond soupir : « Que ces gens sont heureux de passer le pont à pied! » Mais une bien plus grande distance sépare les princes de leurs sujets dans l’ordre moral : ils ne