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régénérée : on voudrait voir le régime libéral étendre sa bienfaisante influence d’un bout à l’autre du monde germanique, et des faits récens prouvent qu’il y a là plus qu’un vain espoir.

Le patriotisme allemand doit compter avec trois forces politiques, avec l’Autriche, la ligue des états secondaires et la Prusse. L’Autriche entre en ce moment dans une voie nouvelle, et vient de sortir, par une grande mesure politique, de la crise où elle s’agitait péniblement depuis la guerre d’Italie. Elle montre qu’elle sait, au milieu des complications les plus redoutables, prendre un parti héroïque, et il y a dans ses énergiques efforts un spectacle qui peut exercer sur le reste de l’Allemagne une salutaire influence. Les libéraux allemands ne seront sans doute pas satisfaits complètement de la solution que viennent de recevoir les problèmes constitutionnels débattus dans le conseil agrandi de l’empire autrichien ; leurs vœux s’y étaient fait entendre avec une grande éloquence par l’organe de M. Maager, de la Transylvanie, l’un des rares personnages qui ont montré dans cette assemblée politique les qualités et la hauteur de vues d’un véritable homme d’état. Il s’éleva avec chaleur contre un concordat indigne d’un descendant de Joseph II, condamna le système de centralisation bureaucratique inauguré depuis 1848, réclama de larges libertés et les garanties sérieuses de la loi pour la presse, si longtemps avilie et soumise aux caprices de l’administration; mais il fit en même temps des réserves en faveur de l’unité de l’empire, et, pour la fonder sur des bases durables, proposa de l’appuyer sur un véritable gouvernement constitutionnel. La voix de M. Maager et de quelques autres s’est perdue au milieu d’appels unanimes aux anciennes constitutions provinciales, au droit historique, à l’autonomie. On entendait déjà gronder la révolution du côté de la Hongrie, et cette Irlande autrichienne avait déclaré que rien ne pouvait la satisfaire que le rétablissement de son antique constitution. Il serait prématuré de porter un jugement sur le diplôme impérial du 20 octobre ; il faut cependant remarquer que le gouvernement, tout en obéissant aux exigences redoutables qui l’assiégeaient, y a fait toutes les réserves compatibles avec le nouvel ordre de choses en faveur des droits et des intérêts populaires; les nécessités mêmes de la monarchie, qui rend à l’aristocratie provinciale toute la puissance qu’elle lui avait enlevée, tendront de plus en plus à la pousser vers les idées libérales, et il est permis de voir dans le nouveau conseil d’état de l’empire, destiné à garantir l’unité de la monarchie et à en régler les affaires générales, le germe d’un véritable parlement constitutionnel. Quoi qu’il en soit, l’Autriche, préoccupée de conserver l’intégrité de son empire et prête à recommencer une nouvelle expérience politique, ne peut aujourd’hui prétendre à la suprématie en Allemagne. Les sacrifices mêmes qu’elle