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mouvement pratique des affaires, dans le domaine de la science pure, se trahit alors dans la constitution du parlement de Francfort, inapplicable et féconde en contradictions; le fruit de trente années d’études et de luttes périt en un seul jour. Si, pendant cette phase de l’histoire allemande qui se termine par le triste avortement de 1848, le dualisme de plus en plus prononcé de l’Autriche et de la Prusse, aboutissant enfin à une hostilité déclarée et à une véritable décomposition du corps fédéral, est le caractère dominant de la politique allemande à l’intérieur, à l’extérieur on la voit sans force et sans voix, trop souvent soumise à l’influence de la Russie. Les déchiremens et les luttes intestines se révèlent par les humiliations du dehors, et l’empire autocratique du Nord, cachant sa faiblesse véritable sous une agressive insolence, reste pendant trente ans le fantôme importun de tous les libéraux allemands.


II.

Une période de découragement et d’immobilité politique suivit la crise de 1848. Les souverains allemands ne se préoccupèrent que de détruire tous les vestiges de la révolution, d’effacer de leurs constitutions les articles que la frayeur leur avait arrachés; ils applaudirent à tous les événemens qui fortifièrent la réaction en Europe et consacrèrent la défaite des principes constitutionnels. L’esprit public se réveilla pourtant, après plusieurs années de torpeur, sous l’influence de deux grands faits : l’avènement du prince-régent en Prusse et la guerre d’Italie. L’arrivée au pouvoir d’un prince qui inaugura une politique sincèrement constitutionnelle, qui choisit de son plein gré un ministère parmi les libéraux, rendit la confiance et l’espoir à tous les amis de la liberté en Allemagne, et fit entrer sa politique intérieure dans une phase nouvelle. La guerre d’Italie tirait en même temps la politique extérieure de la confédération d’une longue inertie, et posait au peuple allemand les plus graves et les plus redoutables problèmes. Essayons de marquer la nouvelle direction de l’esprit national sur le double terrain des questions étrangères et de la politique intérieure.

La rapidité avec laquelle la guerre d’Italie fut engagée et presque aussitôt finie ne permit pas à la confédération de jouer un rôle actif dans ce grand drame, où l’un de ses membres essayait tout seul de soutenir l’honneur des armes allemandes. Les hostilités étaient terminées avant que la question de guerre ou de paix eût même été posée à Francfort. Cependant la neutralité des gouvernemens allemands ne fut pas due uniquement aux lenteurs proverbiales de la diète. Par le système politique où elle s’était si longtemps obstinée.