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les parties de l’Allemagne? Et naguère où aurait-on pu citer rien de semblable aux fantaisies féodales et théologiques qui semblaient à Berlin se donner à tâche de révolter le bon sens public? Les gouvernemens allemands, si avares de libertés, ne savent pas même toujours depuis quarante ans préserver la fierté nationale ; on les a vus à certaines périodes, et notamment après 1830, reconnaître presque ouvertement le patronage de la Russie contre la révolution et, faut-il l’ajouter? contre la France. En cherchant à rallier à sa cause l’empereur Alexandre, le baron de Stein avait une excuse dans la générosité de ce souverain, dans son amour avoué, malheureusement inégal et fantasque, des idées libérales; en flattant l’orgueil sans frein de l’empereur Nicolas à une époque où ils pouvaient se faire illusion sur la force véritable de la Russie, les souverains allemands courtisaient l’adversaire le plus décidé du libéralisme moderne.

La politique d’immobilité et de compression eut un terrible réveil en 1848; arrachée tout à coup à une longue torpeur, l’Allemagne crut un moment trouver dans la révolution le remède à ses maux et le moyen de réaliser l’unité; mais on vit bientôt tout ce qu’il y avait de chimérique dans ces espérances. On entendit discuter à Francfort, dans l’église de Saint-Paul, au milieu des questions constitutionnelles, des problèmes religieux et métaphysiques : on ressuscita l’idée de l’empire par amour de la tradition historique ; mais l’institution rajeunie n’était qu’une construction artificielle, une superfétation imposée aux gouvernemens germaniques. On vit dans un fantôme de gouvernement, où l’unité allemande trouvait pour la première fois une expression éphémère, un ministre des finances sans trésor, un ministre de la marine sans flotte, un ministre de la guerre sans armée. L’empereur lui-même manquait à l’empire; le roi Frédéric-Guillaume IV, prince aimable et versatile, ayant toutes les qualités excepté celles qui sont nécessaires aux grands souverains, repoussa la couronne que lui offrait la révolution; sa main débile était incapable de supporter un fardeau que l’épée seule de son glorieux aïeul aurait pu soutenir. La figure effacée de l’archiduc autrichien qui fut pour un jour revêtu du vicariat de l’empire ne fit que passer devant les yeux du peuple allemand. Aucune des calamités des époques révolutionnaires ne fut épargnée à l’Allemagne; elle fut livrée à tous les entraînemens qui parfois poussent rois et nations vers les plus redoutables extrémités. Les appels sonores à l’unité se perdirent dans le bruit fratricide des guerres civiles, et Francfort célébra le nouvel empire par des combats au lieu des solennelles agapes auxquelles elle conviait jadis toute la Germanie. Aussitôt que le triomphe définitif de l’Autriche fut assuré en Italie