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prisons, 7,158 détenus, dont 1,886 femmes, ont été appliqués au travail dans les prisons départementales pendant l’année 1858.

C’est surtout dans les momens de crise industrielle que l’influence du travail des prisons se fait sentir. L’entrepreneur subit dans de plus fortes proportions l’inconvénient attaché aux grandes usines, qui sont obligées de travailler à perte pour ne pas laisser absolument improductif le capital représenté par leurs machines. Non-seulement il est tenu par le cahier des charges d’avoir toujours du travail prêt et de la matière première en magasin pour un mois, mais il paie une indemnité de chômage pour tout prisonnier à qui il ne fournit pas de travail. Il est donc tout simple que, lorsque les affaires se ralentissent au point de lui faire craindre une interruption complète, il offre ses ateliers à des prix excessivement réduits et accapare tout ce qui reste de travail disponible. Un jour viendra où l’on accomplira dans les maisons centrales une réforme analogue à celle qui a été si heureusement faite dans les bagnes. Au lieu d’enfermer les prisonniers contre les lois de l’hygiène et de la morale, on les fera vivre au grand air; au lieu de transformer les laboureurs en ouvriers industriels, ce qui est un véritable contre-sens, on tentera l’épreuve opposée; enfin, au lieu de nuire à l’industrie en faisant exécuter par les prisonniers, à prix réduit, le travail des ouvriers libres, on augmentera la richesse nationale en leur faisant défricher nos terres Incultes. En attendant ces mesures réparatrices, le travail des prisons est une des causes de la misère qui pèse sur les industries de la couture.

Il en est de même du travail des couvens, des établissemens de bienfaisance connus sous le nom d’ouvroirs, et du contingent apporté au commerce par un grand nombre de femmes qui ne sont pas ouvrières de profession.

Assurément les religieuses et les femmes du monde sont parfaitement libres de travailler et de vendre le produit de leur travail, on ne songe point à leur contester ce droit; loin de là, c’est un malheur public qu’il y ait chez nous un si grand nombre de femmes inoccupées. Cette oisiveté est une source de dépravation morale et intellectuelle. Le travail doit être respecté partout au nom de la liberté, et il doit être partout favorisé au nom de l’humanité. Il y a plus, les religieuses qui fondent des ouvroirs rendent aux filles qu’elles instruisent, aux femmes qu’elles occupent, à la société tout entière un important service. Il existe, en grand nombre, des filles sans parens, ou, ce qui est pire encore, des filles abandonnées par leurs parens : il est bon, il est salutaire que des associations pieuses se donnent la mission de les recueillir, de les instruire, de leur apprendre un état, de les surveiller. Il y a des femmes trop misé-