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brunisseuses, polisseuses, reperceuses. Ce sont des métiers peu fatigans et d’un bon produit; une ouvrière habile peut faire des journées de 4 francs et plus. Cela dépend de la rapidité avec laquelle elle travaille: beaucoup de femmes n’arrivent pas à gagner plus de 1 franc; alors elles se découragent et cherchent une autre profession. Les reperceuses achèvent le découpage des ornemens en cuivre, en bronze ou en métaux plus précieux. La mode, qui est à la fois l’idole des femmes et leur ennemi implacable, les poursuit jusque dans ce métier; on fait aujourd’hui beaucoup moins d’ornemens en bronze et en cuivre qu’au commencement du siècle. Les hommes réussissent moins bien que les femmes à faire du reperçage. Les menus ouvrages qui demandent de l’assiduité, de l’agilité de main, de la précision, semblent faits exprès pour elles. En Suisse et dans plusieurs parties de l’Allemagne, elles excellent à préparer des organes pour l’horlogerie, des verres de montres, des verres de lunettes. Ne vaudrait-il pas mieux pour nos Françaises porter leur habileté de ce côté que de s’obstiner à faire des chapeaux de paille et de la dentelle dans des conditions désastreuses? La population française est très routinière en dépit de ses prétentions et de sa réputation. Il est clair que, puisque le métier de reperceuse est bon, l’horlogerie serait une précieuse ressource. En 1847, sur 2,000 ouvriers recensés à Paris dans l’industrie des horlogers et des fabricans de fournitures pour l’horlogerie, il n’y avait que 155 femmes. Elles ne peuvent guère par elles-mêmes s’ouvrir une voie nouvelle; leur condition et leurs aptitudes ne leur permettent pas l’initiative. Ce serait aux chambres de commerce à se charger de leurs intérêts, aux patrons à les appeler; ils y trouveraient leur profit.

N’est-il pas évident encore que les femmes sont éminemment propres à réussir dans tous les arts du dessin? On avait voulu à Lyon, il y a quelques années, leur ouvrir la carrière de dessinateurs pour étoffes. Ce sont les femmes qui portent les belles étoffes, les broderies; elles sont les meilleurs juges de l’effet produit : il paraissait naturel de les charger d’en diriger l’ornementation. C’était une idée commercialement juste, mais fausse au point de vue psychologique. Les femmes ont peu d’imagination, ou du moins elles n’ont que cette sorte d’imagination qui rappelle et représente vivement les objets que l’on a perçus. Elles ne créent pas, mais elles reproduisent à merveille; ce sont des copistes du premier ordre. Aucune ne fera jamais une vraie comédie, et il n’y a pas de comédien qui les égale. L’industrie tire-t-elle un parti suffisant de ce talent particulier des femmes pour tout ce qui est imitation ? Elles trouvent de l’emploi, comme ouvrières, dans l’imagerie, où elles ne sont guère que coloristes ; elles en trouvent, comme ouvrières et comme