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et l’institution qu’il représente, et ne prêtât le secours de ses soldats à l’homme plutôt qu’à l’institution. Cette distinction ne nous paraît guère possible, et nous ne croyons pas que la France puisse protéger l’homme sans protéger le souverain. Prétendre assurer la sécurité personnelle du pape, ce serait ne ménager ni la dignité du pontife, ni le caractère de ses adversaires politiques. Le pape n’a rien à craindre pour sa vie de la part des Italiens, et lors même que des dangers menaceraient sa personne, un prêtre, un évêque, un pape peut-il avoir la pensée de se défendre d’un tel danger en s’abritant derrière un bouclier étranger ? Il nous semble donc que par le fait seul de notre présence à Rome, et lors même que théoriquement nous nourririons des pensées peu favorables au gouvernement temporel, nous sommes actuellement les défenseurs obligés de la souveraineté pontificale. Le doute qui a régné d’abord sur cette distinction a donne naissance aux bruits qui s’étaient répandus sur les projets de retraite du pape. Le pape n’aurait pas voulu profiter de la protection française, si cette protection ne se fût adressée qu’à sa personne ; mais à quoi bon à ce propos vouloir exiger la précision de termes plus accentués, puisque le pape avait le bénéfice d’un fait plus significatif que des paroles, le bénéfice de notre présence à Rome ? Nous comprenons d’ailleurs les hésitations qui ont pu arrêter un moment le gouvernement français. Quoique le Piémont n’ait point voulu tenir compte d’un blâme exprimé par la rupture des relations diplomatiques, il n’en est pas moins un allié nécessaire, et que nous devons prendre garde d’ébranler trop violemment en cherchant à le contenir. La situation révolutionnaire où est l’Italie réclame aussi des ménagemens : il est funeste d’exaspérer les révolutions ; l’action d’une influence étrangère doit s’exercer avec délicatesse. Enfin, tout en blâmant les écarts des Italiens, comment oublierions-nous qu’ils sont la conséquence exagérée, il est vrai, mais presque fatale, d’un événement politique auquel nous n’avons pas craint de nous associer ? Sans décliner les questions d’honneur national que les événemens peuvent nous imposer, sans manquer à la franchise, il est donc sage de gagner doucement le moment où les problèmes soulevés par la situation de l’Italie, et surtout par les événemens des États-Romains, pourront être soumis à la délibération d’un congrès.

Le principe juste sur lequel doit s’appuyer l’action de la France est indiqué ce matin par le Moniteur. Le Piémont ne saurait s’arroger le droit de résoudre seul et à son profit toutes les questions posées en Italie par les événemens récens. Ces solutions, mais surtout celle qui concerne le pouvoir temporel des papes, il appartient aux grandes puissances réunies en congrès de les prononcer. Pour notre compte, nous prenons volontiers notre parti des agrandissemens du Piémont, nous avons toujours été convaincus que, s’il ne s’expose point à tout perdre par une précipitation inconsidérée, le Piémont est destiné à s’agrandir solidement encore, et à fournir progressivement à l’Italie reconstituée le cadre de ses institutions politiques