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fête à cause d’elle, la visite du peu qu’il y a de choses curieuses à Zurich même me firent très bien passer ce temps ; mais on commençait à remarquer le séjour prolongé d’un Français dans une ville où se tenait la diète, et l’on en murmurait autour de moi. Je résolus de m’absenter pendant quelques jours. Voyant que le temps me manquerait bientôt pour visiter les établissemens que j’avais le désir de connaître, je voulus au moins voir celui de M, de Fellemberg, qui était le plus à ma portée. Je partis seul le mercredi 17 mai pour Berne, où j’arrivai pour dîner le lendemain à l’auberge du Faucon. J’allai voir dans la soirée la famille de M. le professeur Schnell, chez qui Mme de Laharpe m’avait présenté. Je pris de lui quelques renseignemens sur Hoffwill, château situé à deux lieues de Berne, appartenant à M. de Fellemberg, où cet homme respectable avait formé les divers établissemens d’agriculture et d’instruction qu’il dirigeait.

Le lendemain, j’étais en voiture à cinq heures du matin et arrivé à Hoffwill avant sept heures. Je fus d’abord reçu par le secrétaire, qui commençait à me montrer fort obligeamment les charrues, les semoirs de l’invention de M. de Fellemberg, et tout ce qui tient à l’agriculture, lorsque le maître, à qui l’on avait porté mon nom, vint me trouver, et, jugeant bien que ce n’étaient pas là les objets qui pouvaient m’intéresser le plus, il me conduisit a son école des pauvres, après une conversation préliminaire qui m’apprit ce qu’il fallait que je susse pour examiner cette école sous son véritable point de vue. Je passai là plusieurs heures, qui me parurent très courtes, et ma journée s’écoula tout aussi rapidement dans l’examen de tout ce que le lieu offrait d’intéressant, et plus encore dans la conversation du propriétaire. Le temps était magnifique ; nous ne nous quittâmes, M. de Fellemberg et moi, qu’à plus de neuf heures du soir. Il vint me conduire, par le plus beau clair de lune, jusqu’à l’auberge du village, où j’avais envoyé ma voiture, et qui était à proximité de son château. J’y couchai, et je repris le lendemain matin la route de Zurich.

Voici une circonstance de ce retour, peu importante en soi, mais qui retrouvera sa place dans la suite : c’est ce qui m’oblige dès ce moment à en parler. Voyageant seul dans une grande voiture et à petites journées, comme on y est forcé dans un pays où il n’y a point de postes, j’avais pris avec moi quelques livres, entre autres les deux premiers volumes d’un recueil intitulé, je crois, le Conservateur suisse, que M. Muret, député du canton de Vaud, m’avait prêté, et qui contenait des descriptions topographiques et statistiques, des morceaux d’histoire de la Suisse, des poésies et d’autres mélanges. Je trouvai à la fin du second volume une espèce d’ode