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Le sol naturel, complètement dépourvu de pierres, se prête mal à l’établissement des voies ordinaires qui sillonnent nos campagnes. Aussi est-ce par un système de canaux rayonnant autour de Quillebeuf que veut être vivifié ce vaste espace ; les chemins empierrés viendront plus tard comme complément. Le premier de ces canaux est tracé de Quillebeuf à la Grande-Mare, réceptacle des infiltrations roussâtres de la couche de tourbe et peut-être le futur port intérieur de l’embarcation du combustible. Approfondi et régularisé, ce canal remplira le double office d’émissaire des eaux surabondantes du marais et de véhicule des eaux limoneuses qui doivent en opérer le remblai ; ses embranchemens, se ramifiant dans toute la plaine, y porteront les amendemens et les engrais nécessaires, en rapporteront les produits, et serviront à ménager avec art tantôt l’assèchement, tantôt le rafraîchissement des terres. Le plus parfait modèle d’aménagement de marais connu est celui des watteringues de Dunkerque ; si l’on sait y chercher des exemples et des encouragemens pour la mise en valeur du Marais-Vernier[1], il faudra bientôt ouvrir sous les quais délaissés de Quillebeuf un bassin que réclamera la navigation alimentée par la culture locale et par l’exploitation de la tourbe. La nécessité d’un refuge s’y fait déjà sentir, et le port regagnera, par le mouvement dont il deviendra le foyer, bien plus qu’il n’a perdu par la suppression des dangers auxquels il portait secours.

III. — Pont-Audemer, Honfleur, Trouville.

La pointe de La Roque, qui ferme à l’ouest le Marais-Vernier, est l’extrémité d’un prisme de pierre qu’on dirait taillé à pic dans le plateau. Sous l’escarpe orientale est creusée la jolie vallée de la Risle[2]. Un petit phare occupe l’extrémité de la pointe, et en arrière, à 95 mètres au-dessus du niveau de la Seine, se trouve l’emplacement d’un camp retranché des Anglais au XVe siècle. Cette position était très forte. On a autrefois proposé de percer le prisme par un canal souterrain pour amener les eaux de la Risle dans le marais ; mais les eaux de la Seine y peuvent produire à bien moins de frais d’aussi bons effets.

On ne prend nulle part une idée plus nette de la stratification du

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 février 1849.
  2. Ce nom est écrit Rille sur les cartes des dépôts de la guerre et de la marine, ce qui induit les étrangers à mouiller les il, comme dans fille. Le nom latin de la rivière est Risella, et les habitans de ses bords font légèrement sentir l's dans le nom français. C’est pour cela qu’on se permet de s’écarter ici de l’orthographe admise sur nos meilleures cartes.