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d’entrer ici dans quelques développemens d’un caractère scientifique qu’il est impossible d’éviter en pareille matière. M. Scholten cherche bien moins à nier les anciennes doctrines qu’à dégager de la lettre les vérités supérieures qui constituent l’esprit. Il conserve à la Bible le rang qui lui revient incontestablement d’après la marche graduelle de la révélation dans la conscience humaine ; mais sa théorie de l’inspiration laisse pleine et entière liberté à la critique historique. Il ne veut pas transformer le Christ en un philosophe moderne ; mais il relève le fait que, dans l’intuition spontanée que Jésus avait de Dieu, le penseur de nos jours retrouve d’importantes et sublimes vérités, dont le nom seul est moderne. Ainsi la vieille idée chrétienne de Dieu qui est aux cieux implique l’infinité de Dieu et sa souveraineté sur le monde, tandis que l’esprit de Dieu qui pénètre toute chose et parle au cœur de l’homme répond merveilleusement à ce que la philosophie de nos jours a baptisé du mot lourd et bizarre d’immanence. Lorsque l’église du IVe siècle définit le dogme, jusqu’alors très peu fixé encore, de la trinité, elle s’appuyait à bon droit sur une impérieuse exigence de la raison, qui se refuse absolument à l’idée d’un Dieu inerte et solitaire dans les profondeurs glacées de l’éternité ; mais elle ne sut maintenir l’unité de l’essence divine que par une contradiction : elle sépara le Verbe du Saint-Esprit, ne voyant pas que l’un était la forme grecque, l’autre la forme juive d’une même notion religieuse, et elle eut le tort d’identifier le Verbe éternel avec la personne historique du Christ. Il vaut mieux, selon M. Scholten, se représenter le Verbe comme la révélation éternelle de Dieu dans le monde. Dans l’humanité, le Christ est pour nous, par sa perfection religieuse et morale, la manifestation suprême du Verbe divin, qui parle en lui et par lui. Jésus est le fils de Dieu dans le sens de parenté spirituelle avec Dieu que les Juifs étaient depuis longtemps habitués à donner à cette expression, et dans ce fils de Dieu, qui fut aussi fils de l’homme, la nature humaine a pu célébrer sa communion avec la nature divine.

Sur le terrain de l’anthropologie, M. Scholten part du fait expérimental que l’homme naît animal, mais apportant avec lui le germe d’un développement spirituel dont l’idéal est Dieu lui-même. Ceci est vrai de l’espèce aussi bien que de l’individu. La chute originelle est bien moins dans l’histoire que dans le cœur de l’homme, qui passe du sentiment de ce qu’il doit être à l’observation de ce qu’il est. M. Scholten a consacré quelques-unes de ses meilleures pages à montrer que l’immortalité individuelle est comprise dans le fait même que l’homme se sent appelé à dépasser la nature physique, purement organique, et qu’au contraire de tous les êtres vivans qui l’ont précédé sur la terre, l’esprit en lui exige souvent le sacrifice